Pourquoi monter des classiques au théâtre? (Tous les arts se posent les mêmes questions)

Le mardi 23 février 2016 dernier, entendu cette discussion à l’émission radiophonique Plus on 585-96-etset-0304-prodphoto1-2est de fous, plus on lit, entre Philippe Couture, critique de théâtre, Yves Desgagnés, metteur en scène, et Anne-Marie Olivier, directrice artistique du Trident.  Je ne pouvais faire autrement que d’y voir écho à nos querelles entre tradition et création.  De très intéressantes réflexions, dont je retiens ceci:  Continuer la lecture de « Pourquoi monter des classiques au théâtre? (Tous les arts se posent les mêmes questions) »

Du contexte idéal pour conter (cercle de décembre dernier)

Depuis deux ans, le Cercle des conteurs des Cantons de l’est (dont j’ai le grand plaisir de faire partie) offre à ses membres une discussion thématique mensuelle.  En décembre dernier, nous étions peu nombreux, mais la discussion a porté sur un thème aussi délicat qu’important…  Suite à des expériences de contage difficiles, qu’est-ce qui fait que c’est plus ou moins facile de conter?  Quel est le contexte idéal?  La fée Mirage qui avait suggéré ce thème en a fait un résumé que je vous cite partiellement, avec son autorisation: Continuer la lecture de « Du contexte idéal pour conter (cercle de décembre dernier) »

Il faut des fondamentaux (stage avec Christine Andrien)

Je n’ai pas blogué depuis un moment parce que deux formations suivies coup sur coup m’ont donné à réfléchir: la première sur L’oralité du conte avec Christine Andrien de L’école internationale du conte de Bruxelles (19 au 21 avril 2013), la seconde sur Conte, livre et petite enfance avec Françoise Diep (3 au 5 mai 2013, sujet de mon prochain billet).

La rencontre avec Christine aura été un véritable coup de coeur professionnel. Non seulement est-elle une redoutable animatrice de groupe (nous étions une douzaine de participants et ça n’a pas causé de retards ou de frustrations!), dotée d’un sens de l’humour décapant, d’un rare esprit d’organisation et d’une grande rigueur dans le plaisir, c’est aussi une fabuleuse pédagogue.  Elle sait simplifier, reformuler, chercher l’expression qui fait image pour que les stagiaires saisissent.  À force de jouer à la maîtresse d’école (à l’instit, dirait-elle), on finit par y croire quand elle s’écrie « Gommette! » (un collant dans notre cahier, dirait-on au Québec) pour souligner un succès ou quand elle nous fait répéter à l’unisson que le public, il est « MALIN! » (pour nous rappeler qu’on n’a pas besoin de tout expliquer). Mais avec le panache de l’auto-dérision, elle ne nous laisse jamais oublier que c’est « pour faire comme si… », « on dirait que… »  On est là pour apprendre en s’amusant, à mille lieux d’un cours ennuyant. Continuer la lecture de « Il faut des fondamentaux (stage avec Christine Andrien) »

Compagnes et compagnons de la côte

Je reviens de La fête des chants de marins de St-Jean-Port-Joli où j’ai passé un week-en d’amoureux avec ma douce.  J’y ai notamment réentendu avec plaisir « Les souillés de fond de cale » (un groupe breton de Paimpol que nous avions découvert à Binic en 2000) et découvert le trio « Lemieux-Marchand » (le duo de père-fils violoneux des Lemieux complété par Paul Marchand à la guitare) et la comédienne et conteuse Valérie Lecoq qui animait une fort chouette randonnée « contée/jouée » (du « récit de vies théâtralisé », explique-t-elle) intitulée « Femmes de marins, compagnes de pêche ».

Je suis un gars de la ville et je me sens plus proche du feu que de l’eau, mais y’a quelque chose qui me bouleverse profondément à être ainsi près de la mer et des bateaux.

Ce fût l’occasion d’une passionnante discussion avec Mme Lecoq justement sur l’appellation « arts du récit » vs. « conte » (associé au spectacle pour enfants selon elle), l’utilisation d’accessoires en soutien à son spectacle (notamment un drap que l’on prend dans un lieu pour finalement le plier plus tard avec un membre du public) et le travail d’intégration du spectacle dans de nouveaux lieux chaque fois (la partie « randonnée » du show).

Bien sûr, son spectacle est théâtralisé, mais elle n’en fait pas de mystère.  Elle fait d’abord un travail de comédienne.  Si le spectacle commence au « elle » en parlant d’Henriette, un personnage fictif de femme de marin composé de plusieurs témoignages véritables, dès la troisième station on passe au « je » alors que Valérie interprète Henriette.  Pour elle, « il me serait impossible ou difficile de refaire du conte de manière traditionnelle, assise sur une chaise.  Je connais peu de gens qui le font encore de cette façon ».  Point de vue intéressant…  Qu’il m’est évidemment difficile de partager complètement.

De mon côté, j’ai particulièrement apprécié que le spectacle soit basé sur des documents ethnographiques et donne une voix à ces femmes dont on a très peu raconté l’histoire.  Bien joué, le personnage est fort attachant et le caractère authentique des répliques les rend d’autant plus poignantes (notamment ce moment où Henriette calcule n’avoir passé que trois ans avec son mari… sur dix-sept ans de mariage et « ne pas avoir aimé cette vie-là »).  Cependant, le texte très écrit me paraît peut-être perdre une souplesse qui pour moi doit caractériser le conte…  Surtout quand Mme Lecoq m’explique qu’elle doit toujours faire le récit dans le même ordre, alors que pourtant celui-ci se permet bien des sauts dans le temps entre jeunesse et vieillesse du personnage…

Par ailleurs, les retrouvailles avec les « souillés » ont été l’occasion de se retrouver en Bretagne (dans nos têtes et dans nos coeurs) et d’ajouter deux chansons traditionnelles à mon répertoire: L’archi-connue mais magnifique « Isabeau » (« Isabeau s’y promène/ Le long de son jardin… ») dont ils font une très belle version a capella (« sans les mains » comme dirait Philippe Noirel, chanteur principal du groupe) et « C’est dans la ville de Larochelle » dont la mélodie et les paroles me hantent toujours: « La beauté, à quoi nous sert-elle?

Après trois jours au bord du fleuve à m’emplir les yeux et les oreilles, je peux affirmer qu’elle permet de faire le plein de moments qui aident à supporter l’ordinaire.

Des filles à l’amer

J’ai négligé ce carnet.  Et ce n’est pas parce qu’il n’y a rien à dire…

D’abord, spectacle de Nadine Walsh, auquel j’assistais le 13 février dernier.  Il y est question de corps féminins (qu’on révèle ou qu’on camouffle) sous l’emprise des regards masculins, de désir, d’honneur, de déceptions aussi…  De filles qui se jettent à l’amer de l’amour pour échapper à la condition qu’on veut leur imposer.  Un spectacle dont l’intensité reflète celle de sa conceptrice et interprète qui nous émeut de plusieurs prouesses.

Prouesse de l’écriture d’un spectacle de création.  Pour Nadine, dont c’était une première tentative  en ce sens (selon son blogue), le pari est gagné à mon avis.

Prouesse d’avoir conservé l’énergie, parce qu’elle doit finir ce show-là en lavette.  Ou du moins vidée émotionnellement (Intense, je vous ai dit…).  C’est le mot en anglais qui me vient: swashbuckling.  Ça swash et ça buckle en titi…  Cela écrit, j’ai toujours mon même questionnement  sur la durée et le rythme. Y’aurait-il fallu une pause?  Le show ne m’a semblé ni trop long ni trop court, mais j’aurais pris une respiration… avant de replonger plus attentif.  Surtout qu’il m’est apparu qu’une accalmie dans l’histoire le permettait bien.  Cela écrit, plusieurs autres spectateurs n’étaient pas d’accord avec moi.  Et c’est vrai qu’après la pause, il faut repartir la machine…

Prouesse d’avoir vraiment su conservé l’unité malgré la multiplicité des voix qui s’entrecroisent dans le spectacle.  Et ça n’allait pas de soi!  À travers la pléiade de personnages, d’accents, de niveaux de discours – de la narration au récit épistolaire en passant par le monologue -, vous me voyez satisfait et ravi que l’artiste reconnaisse volontiers qu’elle a « un pied dans le théâtre et un autre dans le conte ». Je m’assume comme puriste, mais j’aime surtout qu’une artiste soit très consciente des choix qu’elle fait et qu’elle les assume justement.

Unité, donc.  Quelqu’un disait: « On arrive bien à suivre les récits des deux femmes… »  J’ai ajouté, « il me semble que l’on arrive bien à suivre le récit des trois femmes ».  Parce qu’avec Anne Bonny et Mary Read, y’a Nadine Walsh sur le pont.  Y’a sa voix à elle qui résonne bien claire à travers tout le tumulte du spectacle.  Si les histoires des deux autres sont passionnantes, c’est celle de Nadine que je cherchais, traquais…  Voyeurisme?  Je pencherais plutôt vers une soif de comprendre la démarche.  Ce serait l’histoire d’une femme d’aujourd’hui qui cherche la résolution de la sempiternelle guerre des sexes dans des récits de capes et d’épées?

La voix de Nadine que j’aurais voulu entendre me raconter davantage… tout!  Son enfance, sa révolte face au machisme, pourquoi les destins de ces deux femmes – que l’on n’a pas pendues immédiatement avec leurs camarades parce qu’elles étaient enceintes (Brrr! J’en frissonne!) – la  fascinent autant…

Elle le fait, bien sûr.  Et avec ce panache, ce chien sans vergogne qui lui va si bien.  Mais à travers le fracas des sabres et le tonnerre des canons, avec de la fragilité aussi…  Y’a des moments de grâce, comme celui où, dans le non-dit de la cellule, on sent transparaître l’amitié entre ces deux femmes fortes qui ont tout perdu. C’est de ce ton intimiste dont j’aurais pris encore plus.  Le fait que l’on s’adresse à moi, particulièrement.  Que l’histoire devienne la mienne… par la conteuse.

Dis, Nadine?  Y’a de la houle qui monte.  Tu m’en raconterais une autre?  Juste pour moi?

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MAJ: Bon… Un autre toune qui ne veut plus partir (Troublant, compte tenu de la provenance).

Aux sombres héros [héroïnes?] de l’amer
Qui ont su traverser les océans du vide
A la mémoire de nos frères [de nos soeurs?]
Dont les sanglots si longs faisaient couler l’acide

Always lost in the sea

(Noir Désir)