Non, je ne suis pas entré en religion. Simplement, je reprends ma plume de carnetier / blogueur après… quasiment cinq ans d’absence (moins deux semaines). C’est que je suis en train de préparer mon second spectacle solo. Un deuxième en quinze ans, je ne sais pas ce que ça dit de mon assiduité artistique… Ou plutôt si: j’ai le luxe de prendre mon temps, parce que, dans mon cas, le conte reste un loisir.
J’ai depuis plusieurs années le projet d’un nouveau spectacle solo qui réunirait sous le titre Chemins de papas (allusion volontaire à la chanson popularisée par Joe Dassin) différents contes traditionnels touchant la thématique de la paternité. Ma fée-marraine m’a offert une plage pour présenter un premier exercice public. Ça se passera le 12 juin prochain (quelques jours avant la Fête des pères), au Parc Howard de Sherbrooke.
Après avoir travaillé sur des récits qui parlent des rapports que les humains entretiennent avec leur (im)mortalité (Chevaucher les seuils, 2010), après avoir creusé en collectifs des histoires d’animaux – les ursidés – qui semblent nos cousins (Les uns et les ours, 2012; Jean de l’ours à quatre voix, 2018), après avoir traité de la difficulté des gars à exprimer l’amour (Les gars aussi aiment les histoires d’amour, 2019-2024), il me semble cohérent d’aborder les relations pères-fils. Ce travail m’obligera forcément à aller puiser dans mes propres expériences de fils et de père pour nourrir ma sensibilité artistique. Si les expériences de paternité ne sont pas universelles, la filiation – heureuse ou malheureuse – l’est. Compte tenu de l’inconfort de nombreux hommes à exprimer leurs sentiments, nos relations avec nos pères sont faites de non-dits, de maladresses et de bonheurs secrets que les contes permettent de mettre en lumière.
Par ailleurs, après plusieurs expériences de collectifs, je me sens prêt à assumer de nouveau un spectacle solo. Ce travail ne manquera pas de susciter de nouvelles réflexions sur ma pratique qui contribueront à relancer ces carnets sur Tenir conte. Voici un descriptif préliminaire de ce spectacle en chantier :
« En grimpant l’arbre généalogique pour y trouver sa place, Jean-Sébastien Dubé s’est accroché le pied dans une souche remplie d’histoires de filiation: celle du pêcheur qui perd son fils puis cherche à le retrouver, celle du marchand qui veut noyer le sien ou celle du paysan qui sauve son père de la folie d’un prince… Maillant récits de famille et contes traditionnels, ce spectacle tisse ensemble fils et fibres paternelles sur la trame du rapport filial. »
Je constate qu’assez peu de conteuses et conteurs contemporains effectuent le travail – qui m’apparaît essentiel – d’aller exhumer des récits traditionnels pour éclairer des questions actuelles de la richesse de symboles et de sens qui traversent ces histoires millénaires. Ce patrimoine de l’humanité se perdra si on n’en montre pas la beauté et l’actualité en racontant au présent ces histoires d’avant.
Il y a évidemment des choix délicats à faire pour souligner ce qui est encore pertinent et adapter ce qui ne fonctionne plus, cela sans trahir ou dénaturer les contes. C’est un travail que j’aime faire et pour lequel je me reconnais une certaine compétence. Alors que certains préfèrent écrire de nouvelles histoires pour parler de la maternité ou de la masculinité toxique (et c’est très bien comme ça), j’ai envie d’aborder la paternité d’aujourd’hui en m’appuyant sur la puissance d’histoires celte, méditerranéenne et orientale qui remontent à l’Antiquité, mais qui ont sues me toucher, moi, fils du XXe et père du XXIe siècle.