L’involontaire, mais nécessaire, jachère (le conte au temps de la covid-19)

jachère: n. f.  État d’une terre labourable qu’on laisse temporairement reposer en ne lui faisant pas porter de récolte ; cette terre.

Le 26 février dernier, peut-être de manière prémonitoire, j’invitais les membres du Cercle des conteurs des Cantons de l’est, de la façon suivante:

« Je peux m’assurer de l’animation du Cercle de mars.  Mais compte tenu de la semaine de relâche, qui prévoit y être?

En guise de thématique pour cette rencontre « relâchée », je propose: « Conte et énergie.  Comment préserver ses forces de conteuse, de conteur, pendant une histoire, un spectacle, mais aussi une carrière?  Quelle est l’importance de moments de pause, de silence, de jachère pour que la parole fuse ensuite, plus vivante?  Comment équilibrer son sac de contes et son sac de vie? »
Le 3 mars 2020.  C’était il y a un peu moins d’un mois.  C’était il y a une éternité.  Je n’avais aucune façon de me douter de ce qui s’en venait…

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Ni elle ni lui

Elle (parfois ce sont des « lui », mais je rencontre plus souvent des « elle »).

Elle m’a probablement abordé après un spectacle ou un atelier.  Elle était très gentille et enthousiaste.  Elle s’est mise à me dire que mes histoires l’avaient touchée, ce qui est toujours agréable.  Elle m’a expliqué combien les contes étaient importants dans sa vie, qu’ils portaient des sagesses anciennes.  Difficile de ne pas être d’accord, mais le malaise s’est immiscé doucement dans la conversation…  Ma gorge s’est serrée.  J’ai senti un frisson désagréable me parcourir l’échine. Continuer la lecture de « Ni elle ni lui »

Pourquoi les récits favorisent-ils l’apprentissage?

[Ahem…  Tousse!  Tousse!  Atchoum!]

Ouf!  Il y a de la poussière ici.  Et des toiles d’araignées…

Ça fait plus de deux ans que je n’ai pas mis les pieds virtuellement ici.  Normal que le temps fasse son oeuvre.  Je m’ennuies pas mal de ce blogue.  On y est bien.  Je crois bien que je vais y revenir plus souvent…

Bon, je continue à réfléchir… et à écrire… sur le conte.  Mais sur d’autres plateformes.

Par exemple, dans mon autre vie, je viens de commettre deux articles cet automne sur l’utilisation du conte en enseignement universitaire. Ça aura vraiment été une chance unique de réunir mes intérêts pour le conte et la pédagogie.

J’ai pensé que ça pourrait vous intéresser.

Dans le premier article, j’expose les raisons qui rendent l’intégration d’histoires intéressante pour les enseignants, ainsi que ce que les neurosciences nous apprennent des impacts des récits sur le cerveau humain.

Dans le second article, je me demande comment intégrer des récits à l’enseignement et je donne des exemples d’interventions auprès d’enseignants. Je montre qu’il y a néanmoins certains risques à le faire, en plus d’examiner ce qui distingue les discours scientifiques et narratifs. Je conclus sur la place des récits parmi d’autres stratégies pédagogiques.

À bientôt! (Ça devrait être dans moins de deux ans…)

Et pendant que je ne bloguais pas… (vidéo)

Dans le cadre du projet de recherche « Des avant-textes au spectacle / recueil de contes : étude des processus créateurs de trois conteurs contemporains québécois » (FIR, UQAR), on interroge une conteuse (Marie Lupien-Durocher) et un conteur (Éric Gauthier) d’aujourd’hui pour connaître la manière dont ils choisissent leurs histoires, les apprennent et se les approprient jusqu’à se préparer à les livrer en spectacle.

Chercheure principale: Camille Deslauriers
Assistante de recherche: Marise Belletête
Scénario, production, animation: Jean-Sébastien Dubé
Caméra, réalisation, montage: Patrick Gélinas

©Copyright Université du Québec à Rimouski (UQAR) 2016

Homo homini lupus est


wolf_photoLe Regroupement du conte au Québec a proposé un concours d’écriture où l’on demandait de traiter de la fonction du Grand Méchant Loup dans les contes. La date limite pour y participer était le 30 janvier 2016.  Je l’ai manqué, mais le sujet était trop beau pour que je ne tente pas d’écrire à ce propos.  Dans les règlements du concours, on précisait:
« Le loup est un symbole important de la littérature orale, étant donné la charge qu’il projette : un prédateur cruel et sanguinaire, qui n’hésitera pas à dévorer le premier venu. Son rôle comporte également une dimension morale et punitive. Dans un monde que l’on tente d’aseptiser et d’édulcorer, surtout pour ce qui est de l’univers des enfants, le loup a-t-il toujours sa place dans les contes? »

Voici donc ce que tout ça m’a inspiré.  Ce n’est pas très long, ni transcendant, mais c’est vraiment ce à quoi je crois…

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Que faut-il conter en 2015? (Réponse à Maxime Plamondon)

Bonjour Maxime,

Même avant que le Regroupement du conte au Québec ne diffuse plus largement ton billet « Pourquoi faut-il conter en 2015? » via sa page Facebook, d’autres conteurs me l’avaient relayé et souhaitaient que j’y réponde.  J’ai néanmoins pris mon temps…

D’une part, difficile lorsqu’on est conteur d’être en désaccord avec plusieurs des points que tu amènes: Oui, il faut conter encore aujourd’hui.  Oui, le conte favorise l’écoute dans une ère de moyens de communications et paradoxalement d’incommunicabilité.  Oui, trop de conteurs pratiquent la nostalgie et le folklorisme… (voir à ce sujet mon billet intitulé « Conter le pays« )  Oui, plusieurs sont technophobes et idéalisent le passé. Oui, le conte stimule l’imaginaire et son accessibilité est l’une de ses forces (voir mon texte « Pourquoi je conte« ).  J’aime beaucoup l’idée que « Le conteur moderne est un conteur engagé et doit proposer des pistes de solution afin contribuer à l’avancement social. »  Pas sûr que ce soit pour tout le monde ou du moins que l’avancement prenne nécessairement une forme militante pour tous…

D’autre part, avant d’ouvrir les hostilités je tiens à te remercier pour ce texte courageux, devant lequel il est difficile de rester indifférent et qui permet aux conteurs de se positionner.  Tu ne m’en voudras pas trop si c’est précisément ce que je veux m’employer à faire dans les prochains paragraphes… Continuer la lecture de « Que faut-il conter en 2015? (Réponse à Maxime Plamondon) »

Transfuges de l’humour: intéressants pour les conteurs?

Article intéressant paru dans La Presse ce week-end en marge du Gala des Oliviers.  La journaliste Chantal Guy a eu la bonne idée d’interviewé trois comédiens (Valérie Blais, Emmanuel Bilodeau et Fabien Cloutier) qui fréquentent désormais les scènes du milieu de l’humour.  Il me semble que pour nous conteuses et conteurs qui avons un rapport inconfortable avec l’humour, qui rêvons (ou cauchemardons, c’est selon) d’une École de conte et qui cherchons notre place souvent entre la tradition théâtrale et la machine du rire, il a matière à réflexion.

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Jouer dans le sable, version XXIe siècle

Comme d’autres, j’aimais jouer dans le sable quand j’étais petit.  Je m’imaginais des villes, des châteaux, des batailles…  Bref, des histoires!  Voici qu’une récente visite à Lyon m’a permis de découvrir comment un bon vieux bac à sable et un dispositif technique (finalement assez rudimentaire) permettent de jouer avec les grains et la lumière pour réactualiser ce jeu presque atavique.  Fallait y penser!

Au moment de mon passage au Centre Érasme (un living lab sur les usages technologiques), on expérimentait avec un bac à sable avec réalité augmentée où un dispositif – développé au MIT – associe une Kinect 3D  à un projecteur multimédia.  Cela permet de créer des montagnes (avec cimes enneigées), des vallées verdoyantes, des rivières et des lacs tout bleus, juste en jouant avec le relief du sable… On peut même faire pleuvoir en agitant la main au-dessus du paysage.  De quoi se prendre pour Dieu!  Le code du MIT étant libre, Érasme l’a récupéré et cherche à quel usage cela pourrait servir dans les musées ou en formation.

La vidéo aide à mieux comprendre ce qui se produit…

MAJ 08/04/2015: Une amie me suggère cet autre clip où des enfants s’amusent avec le dispositif que l’on aperçoit quelques secondes… Sous les conseils de leur père, ils explorent vraiment les limites du jeu.

Des réflexions dans la bonne direction

Le conteur Marc-André Fortin me signale cette journée de réflexion de l’APAC (Association professionnelle des artistes conteurs) en France qui aura lieu le 6 mai prochain autour de la question de l’évaluation des pratiques.  Elle complète un cycle de trois rencontres sur l’exigence artistique.  Les questions posées par les organisateurs nous concernent tous, me semble-t-il: Continuer la lecture de « Des réflexions dans la bonne direction »

Mélissa Mongiat: les histoires que les lieux racontent

Je ne résiste plus à l’envie de vous présenter une de mes nouvelles idoles, soit Mélissa Mongiat, designer d’environnements narratifs et compagnie.  « [L]e magazine Wallpaper, une autorité dans le domaine, l’a incluse dans son palmarès des 10 designers les plus prometteurs du monde. »  Son nom ne vous dit peut-être rien, mais si je vous parle de l’installation 21 balançoires qu’elle a co-créé pour le Quartier des spectacles de Montréal avec sa collaboratrice Mouna Andraos de l’atelier Daily tous les jours, vous saurez sans doute de quoi il s’agit.  Je l’avais rencontré il y a deux ans lors de la journée Nouveaux territoires narratifs à la Société des arts technologiques. Son travail m’avait fait forte impression.  Voici ce que j’en écrivais alors… Continuer la lecture de « Mélissa Mongiat: les histoires que les lieux racontent »