Êtes-vous « trad » ou « spec »? Quiz bidon pour réfléchir à la variété de nos pratiques

En novembre 2012, le Regroupement du conte au Québec (RCQ) m’a demandé d’animer une discussion autour des recommandations de ce que nous avons appelé entre nous le « rapport Crustin ».  Le conteur Bernard Crustin, qui dispose d’une formation en anthropologie, y constatait notamment la diversité des pratiques ou « créneaux » parmi les conteurs québécois, de la tradition à la spectacularisation.  M’est alors venu l’idée, pour mettre le feu aux poudres et lancer la discussion, de ce petit quiz pas sérieux du tout.  Je vous invite aujourd’hui à l’essayer.

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Histoire en chuchotant

« Maman, raconte-moi une histoire en chuchotant ! »

Sacré loustic. Bordé jusqu’au nez sous sa couette à monstres multicolores, il sait très bien quelle formule magique prononcer. Pour le principe, je résiste un peu :

« – C’est l’heure de dormir, là, il est tard… »
« – Une toute petite… »

Un bisou. Je chavire, c’était gagné d’avance. Il prend les rênes et fait sa commande :
« Allez ! Je choisis les animaux. » Une moue concentrée. « Mmmmh… Une araignée et… une chèvre ! » Continuer la lecture de « Histoire en chuchotant »

Conter comme en strip-tease? Le rapport à la séduction

Pling!  Un courriel interlope reçu et lu à la dérobée.  Mme G., ma coach clandestine dont j’étais sans nouvelle depuis des mois, me recontacte secrètement avec une question comme une mission tout ce qu’il y a d’équivoque:

Que penses-tu du rapport à la séduction dans la relation que peut avoir une conteuse avec son public ? Moi je pense que si une conteuse arrive a se séduire elle-même par son propre conte, elle séduira son auditoire sans se trahir. Pas besoin de se poser milles questions…. Qu’en penses-tu ?

Évidemment, je ne peux résister.  La proposition est trop… séduisante.  Il y a longtemps que je n’ai pas été en service, dans l’action (ou dans la réflexion, si vous préférez).  Je ne serai que consultant sur cette affaire, donc le risque est modéré. J’accepte et un rendez-vous est fixé dans un obscur restaurant Thaï, grand comme ma main. Continuer la lecture de « Conter comme en strip-tease? Le rapport à la séduction »

Entrer dans le jeu

En écho à l’article de Jean-Sébastien sur le « conte aux petites oreilles », je voudrais dire à quel point conter pour les enfants est une discipline particulière, passionnante et fascinante tout à la fois (et parfois terrifiante).

Tout d’abord, je suis d’accord sur ce point : les enfants n’ont généralement pas les barrières de politesse (patiemment inculquées par l’éducation parentale et scolaire, entre autres), qui font que les adultes, même s’ils s’ennuient, ne se permettront pas de manifester cet ennui -ou rarement. Les enfants, eux, sont entiers : s’ils s’ennuient, ils le font savoir assez vite et assez fort…  D’un autre côté, cette absence de barrières leur permet aussi d’exprimer beaucoup plus fort et spontanément leur intérêt – voire leur passion – pour telle ou telle histoire ou séquence particulière… Ils sont immédiatement et naturellement DANS le jeu, DANS l’histoire, chose que les adultes ont beaucoup plus de mal à faire. Continuer la lecture de « Entrer dans le jeu »

Trouver la bonne distance pour conter aux petites oreilles (stage avec Françoise Diep)

Deux semaines après ma formation avec Christine Andrien (voire billet précédent), c’était reparti avec Françoise Diep.  À force, j’ai le cerveau un peu en gélatine, mais heureusement y’a quand même pas mal de congruence entre ces deux formatrices. Ici encore, je peux me fier sur le blogue de Geneviève Falaise pour la nomenclature des notions apprises et approfondir des aspects qui me sont plus personnels.

La formation Conte, livre et petite enfance m’a donné l’opportunité d’appréhender une zone d’ombre de mon art: raconter aux enfants. J’ai beau en avoir de tout jeunes à la maison, leur raconter des histoires ne va pas de soi pour moi (autrement que de lire un livre avant le coucher, de manière plutôt animée il est vrai).  Assez paradoxalement peut-être, c’est raconter aux grands que je préfère. Avec les petits, pas de filtre, pas d’écoute polie et donc le besoin de travailler fort pour éveiller, puis conserver leur intérêt.  Plusieurs conteurs d’expérience affirment combien il leur a été formateur de conter aux petits. Je n’en doute pas, j’ai juste eu peu l’occasion de le faire.  Et ça me terrorisait… Continuer la lecture de « Trouver la bonne distance pour conter aux petites oreilles (stage avec Françoise Diep) »

Il faut des fondamentaux (stage avec Christine Andrien)

Je n’ai pas blogué depuis un moment parce que deux formations suivies coup sur coup m’ont donné à réfléchir: la première sur L’oralité du conte avec Christine Andrien de L’école internationale du conte de Bruxelles (19 au 21 avril 2013), la seconde sur Conte, livre et petite enfance avec Françoise Diep (3 au 5 mai 2013, sujet de mon prochain billet).

La rencontre avec Christine aura été un véritable coup de coeur professionnel. Non seulement est-elle une redoutable animatrice de groupe (nous étions une douzaine de participants et ça n’a pas causé de retards ou de frustrations!), dotée d’un sens de l’humour décapant, d’un rare esprit d’organisation et d’une grande rigueur dans le plaisir, c’est aussi une fabuleuse pédagogue.  Elle sait simplifier, reformuler, chercher l’expression qui fait image pour que les stagiaires saisissent.  À force de jouer à la maîtresse d’école (à l’instit, dirait-elle), on finit par y croire quand elle s’écrie « Gommette! » (un collant dans notre cahier, dirait-on au Québec) pour souligner un succès ou quand elle nous fait répéter à l’unisson que le public, il est « MALIN! » (pour nous rappeler qu’on n’a pas besoin de tout expliquer). Mais avec le panache de l’auto-dérision, elle ne nous laisse jamais oublier que c’est « pour faire comme si… », « on dirait que… »  On est là pour apprendre en s’amusant, à mille lieux d’un cours ennuyant. Continuer la lecture de « Il faut des fondamentaux (stage avec Christine Andrien) »

D’autres points de vue sur la liberté du conteur (collaborations spéciales)

Il semble qu’avec mon dernier billet sur la liberté du conteur, j’aie mis le doigt sur une question qui suscite certaines passions. Du moins, plusieurs semblent avoir une opinion sur le sujet. Je réfère le lecteur aux interventions passionnantes de Robert Bouthiller et de Marc Aubaret que je remercie de leurs contributions très riches. Mais ce n’est pas tout…

Avant même que je n’aie pu publier mon billet où j’expliquais comment son spectacle m’avait amené à réfléchir à cette question, Jérôme Bérubé avait déjà répondu à mes interrogations par un long texte dont je présente ici certains extraits qui me semblent les plus susceptibles de nourrir la discussion : Continuer la lecture de « D’autres points de vue sur la liberté du conteur (collaborations spéciales) »

Mettre ses histoires dans des pots Masson ou la ‘liberté du conteur’ en conserve

affiche_imaginite-greytexturefinal-sans-info2Le 19 janvier dernier, j’ai vu le spectacle L’imaginite: contes absurdes et sensés du Baie-Comois Jérôme Bérubé. Je connaissais Jérôme pour avoir été l’un de ses collègues de stage et pour son implication au Conseil d’administration du Regroupement du conte au Québec.  Toutefois, je ne l’avais jamais entendu conter.  J’ai beaucoup aimé.

Puisque c’est illustré sur l’affiche qui annonce le spectacle, je ne crois pas révéler un trop grand punch en expliquant que le conteur nous présente d’entrée de jeu des pots Masson où il a entreposé ses différentes histoires.  Pendant le show, il ouvre un pot, fait « prendre l’air » à une histoire, la hume, la raconte, en choisit un autre…  Difficile de ne pas craquer pour cette candeur un peu flyée.

Outre la découverte d’un conteur qui promet, ce sont les réflexions que m’ont inspiré ce spectacle sur la notion de « liberté du conteur » qui intéresseront peut-être les lecteurs de ce blogue.

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Camille Perron ou le génie de la naïveté de Noël

camille_perronJ’ai déjà parlé ici de la difficulté à trouver des contes de Noël appropriés pour notre époque, intéressant à l’oral et où le mystère et la magie de Noël demeurent sans être trop teintés de religion…  Quelle ne fût pas ma joie de découvrir les contes de Noël écrits par le regretté Camille Perron [décédé en 1995], alias Pépère Cam, dans le recueil Le p’tit Rien-tout-neu’ et autres contes de Noël paru aux éditions Prise de parole en 1998.

Je pense avoir déjà mentionné mon intérêt pour le répertoire collecté en Ontario français par le père Germain Lemieux et dont les archives sonores sont toujours accessibles au Centre franco-ontarien de folklore (CFOF) à l’Université de Sudbury.  Le fait est que mon épouse vient de ces « lointaines contrées » et que mes enfants sont donc moitié franco-ontariens…  Comme je le suis un peu devenu par alliance!  Je me suis donc procuré le livre-disque de M. Perron en bouquinant au Centre FORA à Sudbury l’été dernier.  Je l’avais un peu mis de côté et je l’ai ressorti à l’approche des fêtes.  Je ne m’attendais à rien.  Mes beaux-parents m’avaient pourtant parlé de Pépère Cam, puis d’Ange-Émile Maheu, à sa suite…  Mais je n’avais pas réalisé l’imposant talent du bonhomme.  L’intérêt d’avoir la voix enregistrée sur disque, c’est que l’on prend la mesure de son aisance et de la convivialité qu’il réussit à créer avec son public. Continuer la lecture de « Camille Perron ou le génie de la naïveté de Noël »

Textes Festival 2012 (4) : Prière pour Petronella

[Le 16 octobre dernier, nous avons été plusieurs à rendre hommage à Petronella Van Dijk, ma fée-marraine, qui a porté le Festival à bout de bras pendant vingt ans. Quand on m’a approché pour que je rédige quelque chose à son attention, comment aurais-je pu refuser?  Si elle n’avait été là, je ne conterais pas.  Je m’étais déjà essayé au pastiche…  Il m’a semblé que c’était une belle occasion de récidiver.]

Mes bien chers frères et sœurs, si notre jubilaire d’aujourd’hui était moins humble et plus pieuse, elle nous aurait sans doute déjà enseigné la prière suivante… dont je vous demanderais de répéter le dernier vers de chaque strophe.  Vous n’êtes pas obligés de vous agenouiller. Continuer la lecture de « Textes Festival 2012 (4) : Prière pour Petronella »