En filant sur la Toile

Quelques découvertes Web (plus et moins) récentes qui valent la peine d’être partagées, bien qu’il ne s’agisse pas a priori de nouveautés (i.e. celles et ceux qui suivent l’actualité du conte sont probablement déjà au courant, mais pour les autres…):

  • Le site de l’Association professionnelle des artistes conteurs (APAC), nouveau regroupement de conteurs français qui effectue un travail de réflexion intéressant. La conteuse Alice Duffaud (commentatrice régulière de ce blogue) m’en avait parlé en septembre dernier, mais je ne l’avais regardé qu’en diagonal à l’époque (désolé, Alice!).  Comme il en a été plusieurs fois question lors de rencontres de réflexion récentes et du colloque du Regroupement du conte au Québec (RCQ), j’ai pris le temps de le visiter plus en détail.Il faut notamment consulter leur définition de l’art du conteur dont les divers éléments qui la composent (filiation, répertoire, mise en oeuvre, représentation) donnent à réfléchir et ne pourront qu’alimenter les discussions dans le milieu.À noter aussi, le fait que l’association soit réservée aux conteurs professionnels (pas de diffuseurs ou d’« amis du conte » comme le RCQ).  Leur définition de « conteur professionnel », soit « le fait de gagner la majorité de ses revenus par le conte et activités apparentées », a le mérite d’être claire.  Selon ce critère, une APAC québécoise aurait donc peu de membres…  Voilà qui repose toute la question de la professionnalisation des conteurs et des conditions économiques de leur pratique ici et ailleurs.

    Un site important donc.  On ne peut que regretter – même si l’on comprend – que davantage de leur matériel ne soit pas (encore?) rendu public.  À suivre.

  • Le jardin d’Hinden, blogue du conteur, chanteur et formateur Michel Hindenoch.  L’influence de Hindenoch sur ma vision du conte est importante (voir notamment ceci), aussi ai-je été ravi de trouver d’autres textes de sa plume.  Il s’agit essentiellement de poésies et de réflexions – souvent touchantes! – sur la vie et l’art.  Cela écrit, la section « Gloses » regroupe quelques textes importants de son cru (qui datent des années 1980 et 1990 cependant).
  • De même, le conteur torontois Dan Yashinsky dont j’ai parlé à diverses reprises (ici et ici) anime The Tellery.  Il s’agit d’un site auto-promotionnel qui compte néanmoins certains éléments réflexifs et plusieurs contes (voir notamment la section « Downloads/Videos », incluant une conférence donnée par Yashinsky en souvenir de Joan Bodger et qui reprend une partie de la conclusion de Suddenly, They Heard Footsteps).  Il inclut aussi un espace de blogue.  Comme celui d’Hindenoch, il n’est mis à jour qu’occasionnellement mais les valeurs et les choix artistiques de Yashinsky traversent ses billets.  La lecture en vaut donc souvent la peine.
  • De même, pour les chercheurs d’histoires (qui lisent la langue de Shakespeare), les recensions très complètes du professeur retraité D.L. Ashliman (classées par thèmes, pays d’origine ou cote Aarne-Thompson!) ou l’archive nouvelle-âgeuse Sacred Texts (merci Éric Gauthier!), surtout la section sur les légendes et sagas.
  • En terminant, et parce que je ne peux m’en empêcher, ceux qui n’auraient pas encore découvert le magnifique site d’Apple-paille, notamment la section consacrée aux formulettes de conteurs, courrez-y!

Et vous, avez-vous des « adresses conte » à partager?

    Se laisser travailler par le conte (stage avec Marc Aubaret)

    J’ai laissé plus d’une semaine passer pour tenter de donner sens à la vingtaine de pages de notes prises pendant la formation sur l’Histoire de la littérature orale offerte par Marc Aubaret, directeur du Centre méditerranéen de littérature orale, les 23 et 24 octobre derniers. Alors que mes notes ne rendraient pas justice à la somme d’information reçue, je m’essaie à tisser un fil conducteur auquel accrocher mes apprentissages.

    Pour moi, cette formation aurait été celle où j’aurai acquis en concentré toutes sortes de pistes pour entrer dans de nouveaux contes (et approfondir ceux que je conte déjà).  En effet pour Aubaret, « le conteur n’explique pas, mais doit comprendre… »

    • Pistes « fonctionnelles » (par genres) : Parce que démêler ce qui tient du mythe (œuvres permettant de gérer la transcendance), de l’épopée (gestion des valeurs et du politique), de la légende (gestion du temps et de l’espace) et des contes (fonction initiatique pour les contes merveilleux et variable selon les genres) offre déjà des orientations importantes pour le contage.  J’ai ainsi appris que certains de mes récits tenaient probablement davantage du mythe que du conte…
    • Pistes historiques et anthropologiques : Cela permet d’être éveillé à ce que l’on a voulu faire dire aux contes selon les époques (ex : la montée des nationalismes au XIXe siècle qui récupèrent les contes comme « littératures nationales »).  D’ailleurs, en bon ethnologue, Aubaret nous rappelait régulièrement l’importance de connaître le contexte culturel dans lequel le conte est raconté.  Cela permet notamment de ne pas « dire le passé » ou de tomber dans le folklorisme.
    • Pistes typologiques : …Liées à la classification internationale Aarne-Thompson dont j’ai enfin mieux compris le fonctionnement et surtout l’utilité pour les conteurs : Faire gagner du temps lors de la recherche de multiples versions d’une même histoire.  Ainsi, j’ai découvert que plusieurs de mes Contes d’au-delàs et de Là-haut sont des 470 (Amis dans la vie et la mort), 470B (Le pays où l’on ne meurt pas) et 471 (Le voyage dans l’autre monde).  L’idée n’est pas de connaître ces numéros pas cœur ni de s’enfarger dans les chiffres, mais c’est vrai que devant ces catalogues on comprend mieux l’importance de toujours avoir consulté plusieurs variantes de nos contes avant de composer la sienne (dixit ma fée-marraine).
    • Pistes pour une lecture symbolique (notamment des contes merveilleux): Pour entrer dans un conte, Aubaret nous suggère de partir de versions collectées plutôt que de versions d’auteur (la « matière populaire brute »), nous recommande d’en faire une lecture attentive mot à mot, puis il nous invite à faire la cartographie des lieux, à en évaluer la temporalité (le passage du temps dans le conte, de quelques heures à quelques années), puis de bâtir des listes de personnages, d’animaux, de chiffres, de couleurs, d’objets, d’absents (Qui n’est pas là dans l’histoire? Un père? Une mère? C’est souvent très révélateur), etc.  L’idée étant que les symboles d’un conte s’influencent les uns les autres et ne peuvent être pris individuellement.

    C’est que pour Aubaret, les symboles des contes sont autant de
    « résonnateurs » qui « mettent en travail » si l’on est prêt et parfois à notre insu.  Ainsi, il a évoqué les motifs, ces super-symboles qui rendent mal à l’aise et qui frappent l’imagination (ex : la charité romaine, une femme qui, ayant accouchée, va nourrir au sein son père en prison pour lui éviter la mort).

    Il ne s’agit pas ici de chercher à donner un sens définitif au conte, mais plutôt d’« ouvrir le plus grand nombre de questions possibles », de prendre conscience de la multiplicité des sens qui se cachent dans l’œuvre et qui peuvent toucher le public de différentes façons. « Ne pas se laisser berner par l’anecdote, mais chercher ce qui est sous-jacent. » Il nous rappelle avec justesse que ce travail est aussi utile pour la création de nouveaux contes que pour l’approfondissement de contes traditionnels.  Pour Catherine Zarcate, avec qui Aubaret collabore, conter c’est « faire écrin aux symboles ».

    J’avais déjà abordé une partie de ces notions (sans nécessairement les avoir approfondies), mais j’ai pu revérifier pendant cette fin de semaine l’importance de se les faire dire et redire par différentes personnes qui emploieront des mots différents pour parler des mêmes concepts fondamentaux, chacune avec sa vision propre de ces derniers.

    Par exemple, tout le discours de Marc Aubaret est, me semble-t-il, coloré par sa conviction de l’importance du rapport personnel des individus (conteurs ou auditeurs) face aux contes. Ces derniers seraient pour chacun des « miroirs de sa propre évolution ».  Par exemple, la maîtrise d’un nouveau conte se déroulerait en trois étapes : D’abord un temps d’acquisition, puis une période d’intégration et enfin, au moment propice, ce qu’il appelle le « jaillissement » où le conteur « témoigne de ce qui l’a traversé ».

    Si les pistes de lectures discutées plus haut seront utiles lors de l’acquisition, c’est le « temps passé avec l’histoire », le temps de rêver son conte, de travailler sur les images , qui en permet l’intégration ou d’« en acquérir l’épaisseur ». En effet, pour Aubaret le conte est « art des images » plus que des mots. C’est ensuite que viennent les mots pour décrire les images dont s’est nourri le conteur : Le moins de mots possible, des mots qui évoquent directement les images, les mots du « sensitif » comme dirait Michel Hindenoch (avec qui Aubaret collabore aussi).

    Outre ces outils d’analyse, je repars sur mon chemin de conte avec plusieurs idées qui alimenteront ma pratique : Celle de tenir un « carnet de trames » des contes que je lis, juste pour développer le sens de la structure et comparer des versions, celle de passer du temps dans un café, juste à regarder les gens et à noter mes impressions.  L’idée aussi d’avoir toujours un conte « en chantier », juste pour s’en nourrir et le laisser « nous travailler », quitte à ne jamais le conter.

    Cette formation m’a aussi rappelé qu’avant de poursuivre mes études en communications à l’Université de Sherbrooke et à Concordia, je voulais devenir… ethnologue.

    Faire de sa parole une peau (Hindenoch)

    [NDLR: Les vacances d’été me permettent finalement de compléter ce texte amorcé… en novembre 2009.]

    Lors de la Rencontre internationale sur le conte d’octobre 2009, la conteuse Sophie Joignant a témoigné du fait qu’elle se servait beaucoup en atelier du poème « Conter » qui ouvre le livre Conter, un art? de Michel Hindenoch [un must, en passant].  Pour elle, « il y a tout là-dedans ».

    Hindenoch, présent sur place, a donc accepté d’en faire la lecture, en expliquant qu’il l’avait préparé pour un colloque ayant eu lieu à Chevilly-Larue en 1994 et dont la thématique était « Qu’est-ce que conter? ».

    Conter

    C’est écouter à haute voix
    Un rêve ancien, plus grand que soi.

    C’est un acte magique, une poésie :
    C’est faire de sa parole une peau,
    Un oeil, une monture.
    Faire d’un rêve un souvenir,
    D’un souvenir une jeune aventure,
    D’un mensonge un aveu, une vérité vraie.

    C’est ouvrir son jardin et en faire un navire.
    Voyager. Rien de plus.
    Jusqu’à offrir à l’autre un souvenir nouveau,
    Risquer de faire de lui un témoin, lui aussi :

    Un conteur à venir.

    Cela m’a donné l’occasion de retourner à ce texte pour voir ce que j’y trouve pour alimenter ma propre réflexion.  Je ne sais pas si « il y a tout », mais en tous les cas j’y trouve beaucoup de matériel…

    De la façon dont je le lis, le texte peut se diviser en cinq parties qui m’amènent à des leçons fondamentales:

    Section 1: Le rêve ancien

    C’est écouter à haute voix
    Un rêve ancien, plus grand que soi.

    C’est un acte magique, une poésie :

    Ici, Hindenoch me rappelle le côté sacré du conte. Je suis depuis un certain temps partisan de l’idée que les contes seraient issus des rêves que les premiers hommes se seraient racontés sans nécessairement les comprendre, tellement les images y sont fortes et touchent à l’inconscient.  Il y a donc un respect que l’on doit avoir pour ces histoires, mais qui nous manque parfois…

    Section 2: Conter par les sens

    C’est un acte magique, une poésie :
    C’est faire de sa parole une peau,
    Un oeil, une monture.

    Là, on entre dans certaines maximes de la « théorie hindenochienne » si j’ose dire…  Dans ses formations, Michel nous enjoint à choisir les « mots de l’affect » (sensitifs) plutôt que de l’« intellect » pour raconter nos histoires. Pour lui, le narrateur doit être « l’espion de l’histoire » et la décrire de l’extérieur.  Déjà l’allusion chamanique à la parole comme « monture » est prélude à la quatrième section, véritable invitation au voyage.

    [D’un point de vue plus personnel, ayant été incommodé par de l’eczéma/ dermatite atopique pour l’essentiel de ma jeunesse, alors que mon anxiété et les émotions fortes que je vis se manifestent par des démangeaisons, « faire de sa parole une peau » (ou de sa « peau une parole », dans mon cas) me parle directement.]

    Section 3: Il faut y croire

    Faire d’un rêve un souvenir,
    D’un souvenir une jeune aventure,
    D’un mensonge un aveu, une vérité vraie.

    Ici, Hindenoch me rappelle le processus par lequel le conteur se « convainc » de son histoire afin de la rendre crédible au public.  On escamote souvent cette étape de rêverie éveillée.  C’est une autre maxime de la « théorie hindenochienne »: Dès que l’on a un moment de libre, prendre le temps de rêver ses contes, de les imaginer en détail.  Qui sont les acteurs à qui l’on confierait le rôle du héros?  De la princesse?  Dans quels lieux connus se déroule l’action?  Quelles sont les odeurs de chaque scène? Etc.

    Section 4:  L’invitation au voyage

    C’est ouvrir son jardin et en faire un navire.
    Voyager. Rien de plus.

    C’est la plus belle, selon moi.  De l’intérieur du conteur vers les autres… et l’infini des possibles.  Je pense que Hindenoch y parle de l’implication personnelle du conteur dans sa narration.  Mais aussi de l’objectif, sans prétention et pourtant fondamental des récits:  « Voyager.  Rien de plus.  »  C’est tout simple.  C’est immense.

    Du coup, ça me rappelle une phrase lue sur un poster inspirant où l’on voyait un navire sur les flots sous un coucher de soleil éblouissant: « A ship in a harbor is safe.  But then, this is not why ships are built. » (« Un navire au port est en sécurité, mais ce n’est pas pour cela que l’on construit des navires. »).  De l’audace dans le choix des histoires… donc de l’implication personnelle.

    Section 5:  Donner

    Jusqu’à offrir à l’autre un souvenir nouveau,
    Risquer de faire de lui un témoin, lui aussi :

    Un conteur à venir.

    Enfin, je comprends que Hindenoch nous parle ici du don que doivent faire les conteurs: Nous avons reçu les histoires en cadeau (oui, même celles que nous avons écrites).  Elles ne nous appartiennent pas et par conséquent nous devons les partager.  Nous n’en sommes que les médiateurs, des interprètes, des « espions » d’un « rêve ancien » (et l’on revient au chamanisme).

    Mais finalement, Hindenoch nous présente un objectif profond: réussir à toucher suffisamment le public pour l’émouvoir.  Il manque tellement de
    « témoins », de personnes rendues meilleures, plus heureuses, plus humaines, etc. par le contact du beau et du bon.

    Puisse notre parole les toucher.

    Storytelling transmédia: le conte de demain?

    Changement total de registre.

    Si je reste passionné par le conte traditionnel dans son rapport fondamental d’humain à humain, j’ai fait ma maîtrise en études des médias et ça a coloré ma vision du monde.  Je reste donc curieux de la façon dont on se conte encore des histoires aujourd’hui et dont on le fera à l’avenir.  Ainsi, dans le cadre de mon autre emploi, je suis récemment tombé sur des choses intéressantes qu’il m’apparaît pertinent de rapporter ici.

    Je suis les travaux de Henry Jenkins depuis ma maîtrise à Concordia entre 1993 et 1997 où l’un de ses livres est devenu central à la rédaction de mon mémoire sur les jeux de rôles et où j’avais eu la chance de l’entendre en conférence.  Depuis quelques temps, j’ai été ramené vers lui via son fil Twitter parce qu’il s’intéresse à la tendance hollywoodienne de faire ce qu’il est maintenant convenu d’appeler (même en français) du « storytelling transmédia » (ou STTM dans le jargon Internet).  L’INIS (Institut national de l’image et du son) où avait récemment lieu une formation sur ce sujet, définit ainsi la bête:

    « On définit le Storytelling Transmédia comme un processus de transmission d’un message, d’un sujet ou d’un scénario, à un public de masse en utilisant plusieurs plateformes et en comptant, entre autres choses, sur la participation et l’interaction du public. Chaque déclinaison de l’histoire est unique, mais c’est en s’appuyant sur les forces et les spécificités de chacun des médias, que l’ensemble gagne en originalité, en pertinence et en rentabilité. »

    Le Lien multimédia, partenaire de cette formation, a d’ailleurs consacré plusieurs articles à la couverture de cette activité.

    Comme l’affirme Jenkins, le transmédia, c’est un peu l’inverse du multimédia où tous les médias se retrouvent sur une même plateforme.  En transmédia, on multiplie les plateformes et la richesse narrative du « message » se découvre par les participants un peu à la manière d’une chasse au trésor.  Pour en savoir davantage, voir un billet de Jenkins daté de mars 2007 et intitulé «Transmedia Storytelling 101 ».

    Par ailleurs, l’entrée Wikipedia anglophone pour l’expression
    « Transmedia Storytelling » explique partiellement l’origine du phénomène:

    There are two prominent factors driving the growth of transmedia storytelling. The first is the proliferation of new media forms like video games, the internet, and mobile platforms and the demand for content in each. The second is an economic incentive for media creators to lower production costs by sharing assets. Transmedia storytelling often uses the principle of hypersociability. Transmedia storytelling is also sometimes referred to as multi modality, referring to using multi-modal representations to convey a complex story through numerous media sources. [mes emphases]

    Un autre article d’Henry Jenkins daté de janvier 2003 (dans leTechnology Review du MIT) s’avère fort instructif sur la mécanique de la « mise en récit » transmédia:

    « Younger consumers have become information hunters and gatherers, taking pleasure in tracking down character backgrounds and plot points and making connections between different texts within the same franchise. And in addition, all evidence suggests that computers don’t cancel out other media; instead, computer owners consume on average significantly more television, movies, CDs, and related media than the general population.»[mes emphases]

    « Franchise products are governed too much by economic logic and not enough by artistic vision. Hollywood acts as if it only has to provide more of the same, printing a Star Trek logo on so many widgets. In reality, audiences want the new work to offer new insights into the characters and new experiences of the fictional world. If media companies reward that demand,viewers will feel greater mastery and investment; deny it and they stomp off in disgust. »[mes emphases; intéressant de remplacer Hollywood par « les conteurs » – même je suis conscient que c’est un tabou!]

    « In the ideal form of transmedia storytelling, each medium does what it does best-so that a story might be introduced in a film, expanded through television, novels, and comics, and its world might be explored and experienced through game play. Each franchise entry needs to be self-contained enough to enable autonomous consumption. That is, you don’t need to have seen the film to enjoy the game and vice-versa. As Pokemon does so well, any given product is a point of entry into the franchise as a whole. »[mon emphase]

    L’univers des films de The Matrix est souvent cité comme un exemple
    « classique » de transmédia (avec des bandes dessinées, des dessins animés, des segments Web, etc. qui permettent d’approfondir l’oeuvre initiale). L’entrée Wikipedia cite Journey of Jin (web, comics, attractions physiques), Batman Begins (bandes dessinées pour préparer au film), Sorority Forever (websérie avec interaction dans les médias sociaux), Battlestar Galactica (où des webpisodes ont été diffusé entre les saisons pour approfondir l’histoire). Les jeux en réalité alternée (alternate reality games ou ARG) [dont il me faudra bien reparler un de ces jours…] peuvent aussi en faire partie.

    L’auteur de l’entrée Wikipedia écrit: « Unlike properties like Star WarsHe-Man, and Teenage Mutant Ninja Turtles, which lend themselves to transmedia, JOJ [Journey of Jin] was created with the intention of being a transmedia universe, and not proliferated into other media formats for simply for merchandising purposes but for enriching the storytelling ».

    Donc c’est cette « intention », la volonté initiale dès la création de déployer la fiction dans plusieurs médias, qui semble un indicateur pour déterminer si on est en présence de cette forme d’écriture. On évoque à plusieurs reprises les « multiples points d’entrée » qui permettent d’accéder à l’oeuvre et son caractère invasif « that permeates fully an audience lifestyle ».

    Par ailleurs, Jenkins donne d’autres exemples de franchises transmédia: les Pokémons, par exemple: « By design, Pokemon unfolds across games, television programs, films, and books, with no media privileged over any other. » Mais il évoque aussi Indiana Jones (des films à la télé avec la série Young Indiana Jones), l’univers Buffy the Vampire Slayer et les films de Kevin Smith (qui se poursuivent en bandes dessinées dans le futur, mais aussi dans le passé de l’univers connu des spectateurs – ce que l’on appelle des prequels), Dawson’s Creek (dont on pouvait découvrir les journaux intimes des personnages sur le Web).

    Jenkins livre peut-être le message qui me semble le plus important quant au pouvoir d’attraction du transmédia:

    « Reading across the media sustains a depth of experience that motivates more consumption. In a world with many media options, consumers are choosing to invest deeply in a limited number of franchises rather than dip shallowly into a larger number. Increasingly, gamers spend most of their time and money within a single genre, often a single franchise. We can see the same pattern in other media-films (high success for certain franchises, overall declines in revenue), television (shorter spans for most series, longer runs for a few), or comics (incredibly long runs for a limited number of superhero icons). Redundancy between media burns up fan interest and causes franchises to fail. Offering new levels of insight and experience refreshes the franchise and sustains consumer loyalty. Such a multilayered approach to storytelling will enable a more complex, more sophisticated, more rewarding mode of narrative to emerge within the constraints of commercial entertainment. »[mes emphases]

    Quel rapport dans tout cela avec le conte et les conteurs qui n’ont vraiment pas les moyens des grands studios?  Peut-être très peu. Peut-être beaucoup.

    D’abord, il m’apparaît utile comme conteur d’être sensible aux nouvelles façons qu’a une partie de mon auditoire de recevoir des histoires.  J’ai beau être un artisan oeuvrant avec passion à essayer d’insuffler de l’âme dans mes récits avec toute l’honnêteté d’une démarche personnelle, difficile d’ignorer les procédés industriels de création d’histoires que ces mêmes spectateurs côtoient…

    Ensuite, est-ce que la connaissance de certains mécanismes «transmédiatiques » ne pourrait pas être utile aux conteurs?  Est-ce que l’idée de « fournir plusieurs points d’entrée » ou de développer un univers cohérent à travers plusieurs histoires ne pourrait pas s’avérer intéressante?  Et pour ceux et celles ayant des velléités d’hybridation afin de renouveler leur art, l’idée de la « multimodalité » peut-elle ouvrir des portes?  À quand des contes, des chansons, des poèmes qui participeraient à développer la même fiction?  Sans doute que cela a été tenté, mais je crois utile de constater que ça existe également à une autre échelle que la nôtre…

    Enfin, au-delà de la logique consumériste (pourtant bien au coeur de ces récents développements narratifs) j’y vois plus que jamais une preuve que le spectateur veut s’approprier la fiction et y être actif, ne serait-ce qu’à titre de « chasseur-cueilleur »…  Les conteuses et conteurs pourraient-ils profiter de l’ «hypersociabilité » que permettent Facebook et d’autres réseaux pour mettre sur pied des méta-récits, des fictions qui mettraient les spectateurs-participants à l’oeuvre à leur tour?  Récits qui, bien sûr, se poursuivraient/ aboutiraient dans des prestations publiques bien en chair et en présence?

    Et dites-vous bien que si pour vous cela ressemble un peu trop à de la science-fiction, c’est sans doute qu’on y est déjà.

    Répondre au courrier 2: derrière la grille

    Je poursuis dans mes réponses au courrier:

    Pour faire suite au billet précédent, la grille de Jacques Falquet m’est apparue un outil critique intéressant.  Il est vrai que, dans mon billet initial, je me contentais de l’appliquer sans commenter sur ce qu’elle m’a apporté personnellement.  Pour moi, le grand mérite des neuf « intervalles » de Jacques, c’est justement d’ouvrir des spectres de possibles où parfois on n’avait même pas envisagé qu’il y eût d’autres options que nos petites habitudes.  Si les intervalles en lien avec « la matière » m’ont moins appris sur ma pratique (je savais d’où venaient mes contes et, surtout, ce qu’ils n’étaient pas), ceux sur « la manière » et « la connivence » ont été plus riches d’enseignements de mon côté.

    Les questions de l’appui et de la mise en scène sont pour moi des casse-têtes constants.  Est-ce que j’écris mon texte ou je le laisse à l’oral?  Est-ce que je le transcris une fois que je le conte depuis longtemps? Que les grandes lignes ou jusque dans les détails?  Est-ce que je fais des dessins?  Et quand je développe un spectacle dans l’espace, est-ce que j’en fais trop?  Ne devrais-je pas être simplement assis sur mon tabouret?  Ces préoccupations étaient déjà présentes dans mon travail.  Cependant, ma difficulté à qualifier mon niveau de langue m’a interpelé.  Mon vocabulaire, mon style oral se sont imposés d’eux-mêmes sans que je les questionne.  Si j’entendais bien que d’autres conteurs se donnaient ou « attrapaient » un accent, je ne me voyais pas faire de même.  Ça ne m’aurait pas collé.  En fait, c’est un choix que je comprends mal.  Je réalise maintenant qu’au-delà de choisir ou non de conter en joual (plus ou moins poétique), on peut raffiner les catégories entre un parler en « français international » (est-ce qu’une telle chose existe?) ou plus urbain, relâché ou plus pointu, etc. D’interroger ces choix ne m’était pas venu à l’esprit.

    De même, la qualité de la relation que je cherche à établir avec le public grâce à mes histoires est un peu la quadrature du cercle sur laquelle je suis toujours à retravailler.  Si je suis bien conscient que la nature du lieu où je conte influe profondément sur cette relation, je n’avais pas pensé « donner le contrôle » du choix et de l’ordre des contes à mon public.  Je savais que certains conteurs improvisaient des histoires à partir de mots fournis par l’assistance  et j’avais parfois demandé à un conteur d’entendre un récit que j’aimais particulièrement.  Explorer cette dimension ouvre la porte à bien des scénarios…

    Alors, oui, la grille de Falquet m’est d’une grande utilité.  En plus des remises en question qu’elle permet sur mon propre travail, j’y ai trouvé un « checklist » de dimensions dont je ne veux pas oublier de tenir compte lorsque je critique le travail des autres.

    En fait, ces derniers temps, c’est la prémisse même de la grille, toute généreuse soit-elle, que mes expériences et réflexions m’amènent à remettre en question.  Quand il a d’abord présenté sa grille, j’avais dit à Jacques que j’en étais ravi parce que ça permettait de sortir de l’éternelle question du « C’tu du conte? » et d’aller plus loin.  Toujours convaincu de l’apport de cette grille, aujourd’hui, je m’interroge à nouveau sur le besoin d’une définition.

    Alors que l’on cherche à faire du conte un art à part entière, ne serait-il pas judicieux de tenter de le définir formellement?  Et donc, oui, d’établir que A en est et B n’en est pas?  Le spectre de ce qui est du conte peut être relativement large et toutes sortes d’hybridation sont ensuite possibles.  Mais est-ce que les artisans sont toujours nécessairement bien équipés pour définir ce qu’ils font?  Est-ce que cette déclaration de « je fais du conte » doit bien être notre seul critère de définition?  Je ne peux m’empêcher de trouver que les Contes urbains ou L’heure du conte à la Bibliothèque municipale sont assez éloignés de ce que je pratique…

    D’ailleurs, les intervalles même de Jacques tendent à restreindre le champ de la pratique contée, peut-être à son corps défendant.  Je m’explique: La grille suppose que la langue est utilisée (puisqu’elle peut être de différents niveaux), que le spectacle dont il est question est fait de récits (découverts ou créés, appris par coeur ou improvisés, de différentes origines, réels ou fictifs… mais des récits), qu’on tente de créer une relation avec le public (toute solennelle fût-elle) et l’absence de quatrième mur y apparaît implicite.

    On me dira que la plupart des spectacles sont basés sur une trame narrative  et cherchent à susciter une réponse du public.  Je répondrai que le conte me semble revenir à l’essence de ce rapport (mais j’y reviendrai).  Pour moi, ce qui n’est pas dans la grille devient aussi intéressant: la musique, l’apport d’autres performers, etc.  Quelqu’un peu bien sûr conter en s’accompagnant de musique ou en faisant intervenir d’autres artistes, mais alors n’invite-t-il pas justement d’autres formes d’art à épouser la sienne?

    Ton histoire est une épopée…(stage avec Martine Tollet)

    Quelques notes sur mon stage sur les Grands récits et les épopées avec la conteuse Martine Tollet, offert les 9-10-11 avril derniers et organisé par les Productions Littorale, avec le soutien du Conseil de la culture de l’Estrie et du Conseil des arts du Canada.

    D’entrée de jeu, il faut bien le dire, la dame m’impressionnait beaucoup avant même de l’avoir rencontrée… J’ai encore à me pincer pour réaliser que j’ai la chance d’avoir été formé par quelqu’un qui travaille régulièrement avec Bruno de La Salle, peut-être le dernier des bardes.  Martine Tollet conte depuis vingt ans et a abordé des oeuvres comme Le chevalier à la Peau de tigre (épopée géorgienne), Inanna et Dumuzzi (récit mythologique sumérien) ou Le merveilleux voyage de Nils Holgersson (à partir du roman de Selma Lagerlöf) que nous avons eu la chance d’entendre le samedi soir.

    J’avoue avoir été quelque peu inquiété par les dix premières minutes de la formation, alors que j’ai eu l’impression que nous allions rester assis pendant trois jours à écouter discourir une spécialiste européenne très savante.  Rapidement, elle éclata d’un grand rire et nous mis au travail, expliquant qu’on n’allait pas faire la théorie de l’épopée…

    Toute la fin de semaine, elle démontra une grande sensibilité, une culture très large, une impressionnante humilité sur fond d’ouverture et de générosité.  Cela se sent, cette femme aime profondément le conte et a bien aimé les conteurs québécois, je crois.  Il faut dire que nous formions un groupe de stagiaires très forts, tant chez les nouveaux venus que chez les conteurs un peu plus expérimentés.  Toutes ses connaissances qu’elle partageait sans compter étaient autant de cadeaux de Noël pour qui savait les apprécier, qu’il s’agisse de la bibliographie des ouvrages recommandés par le CLiO (Conservatoire contemporain de littérature orale), de la consultation de sa copie du catalogue Delarue-Ténèze sur Le conte populaire français (pratiquement introuvable) ou des exercices de réchauffement spécifiquement développés à l’intention des conteurs.

    Évidemment, dans nos sociétés contemporaines, il y a désormais peu de moments ou d’espaces pour raconter de tels récits imaginaires qui se déroulent parfois sur plusieurs heures et qui sont souvent à la base de la culture même de différents peuples.  Mais la sauvegarde de ce patrimoine mondial et la beauté de ces textes essentiels s’étaient imposés à moi lorsque j’ai eu la chance d’entendre Jihad Darwiche raconter Mamé Alan (épopée kurde) ou Michel Hindenoch raconter Astérios, la légende du Minotaure.  Personnellement, j’y allais pour trouver des clés afin de travailler l’histoire du voyage de Cormac Mac Art au royaume de Féérie (Echtrae Cormaic).  J’ai en effet rapidement été confronté au fait que ce héros apparaît dans de nombreuses histoires celtes et que le conte est chargé d’un important contenu symbolique qui me dépasse.  Comment alors raconter cette histoire qui m’habite sans la trahir?

    Pour Martine Tollet, il s’agit souvent de récits qui « brûlent » et dont on doit s’approcher avec précaution.  On est porté à les regarder avec une certaine distance puisqu’ils ne sont pas des récits de l’intime, mais des trésors de l’humanité.  Dans le cas de mythes comme Inanna, on peut même parler de textes rituels qu’il faut « célébrer ».  Elle expliquait qu’il y a tout un travail physique à faire pour supporter un tel « voltage », la vibration de l’oeuvre.  Il faut « se donner à ça », « lâcher le mental ».  Si les épopées sont souvent versifiées, c’est que le rythme (« quelque chose qui chante à l’intérieur ») permet de créer une transe Alpha – un endormissement…  Je n’ai pas pu m’empêcher d’y voir un lien avec le travail de François Épiard pour qui les histoires servent à apaiser l’esprit qui cherche réponses aux questions insolubles de l’univers.

    Pour Martine, 70 % du message de ces récits passe « hors du rationnel du texte », par l’énergie, la « foi » [je n’ai pas vérifié avec elle, mais je ne crois pas qu’elle entendait ce mot dans son sens religieux] que l’on déploie en les livrant.  Elle nous encourageait à « montrer plutôt qu’expliquer » et à laisser de côté les adjectifs abstraits (ex: le mot « irréel ») afin de raconter « comme si le public était dans une caverne et que le conteur est le seul qui voit à l’extérieur par une fente dans la pierre.  Lui seul peut décrire aux autres ce qu’il voit ».

    C’est en ce sens qu’elle nous a parlé d’un exercice intriguant (et exigeant) sur les mémoires sensitives.  L’idée est de s’entraîner quotidiennement (pendant une quarantaine de jours) à faire remonter à la surface des souvenirs olfactifs, gustatifs, tactiles, auditifs et visuels agréables afin d’y avoir plus facilement accès lors de descriptions.  Une dizaine de minutes par jour…  Une seule mémoire par sens.  Et si on manque une journée, on recommence au début!

    Elle croit que ces récits sont des « cartes pour une géographie intérieure ». Nous nous sommes d’ailleurs exercé à cartographier « Peau-d’Ours » des Frères Grimm.  Pour elle, les contes merveilleux sont des formes courtes qui permettent de se familiariser avec le vocabulaire symbolique qui est le même que celui des formes plus longues.  Compte tenu des travaux de Vivian Labrie sur la mémorisation des contes et à la suite d’un stage avec Alberto Garcia où j’ai appris à topographier l’espace de mes histoires, je n’ai pas de peine à la suivre dans ce raisonnement.

    Le samedi nous a fait connaître Martine-la-scénariste (elle a scénarisé pour la télévision pendant une douzaine d’années), alors qu’elle nous enjoignait à bien comprendre la structure des récits en les décortiquant par verbes d’action.  Elle utilisait comme outil les douze étapes du « Voyage du héros » de Joseph Campbell, tandis que j’avais davantage étudié Vladimir Propp ou le schéma actanciel de Greimas à l’université.   Le dimanche matin nous révélait davantage Martine-l’adaptatrice, alors qu’elle expliqua son travail pour parvenir à faire des spectacles ramassés avec les histoires touffues de Nils Holgersson et d’Innana.

    Avec Martine Tollet, j’ai saisi l’importance de revenir aux sources premières des récits.  Par exemple, elle insistait sur la nécessité de se familiariser avec plusieurs versions d’un conte merveilleux pour l’apprivoiser (et non « s’y attaquer » comme nous avions tendance à dire au début du stage…).  De même, elle s’est rendu en Géorgie et en Suède pour son travail sur certains textes.  Fouiller les fragments, effectuer ses recherches…

    Ainsi, les deux versions sur lesquelles je me base pour Cormac Mac Art sont des réécritures datant respectivement de 1894 (Joseph Jacob) et de 1904 (Lady Augusta Gregory)… pour un roi ayant vraisemblablement vécu au 3e siècle et dont l’histoire mythique qui m’intéresse a été racontée dans des manuscrits datant du 12e siècle…  Pour toucher davantage à ce conte, j’ai maintenant envie de consulter ces manuscrits ou du moins d’en lire des transcriptions: le Book of Ballymote, le Yellow Book of Lecan, le Book of Fermoy, etc.

    Le travail sur ces longs récits dure souvent plusieurs années et des périodes de découragement surviendront assurément.  Dans ces moments, Martine Tollet se demande « Et si je ne fais pas, qui va le faire? » et elle se retrousse les manches.  Je trouve cette détermination, ce courage-là admirable.  D’autant plus qu’il tient essentiellement à l’amour de belles histoires.

    Le conte décrypté à l’aide du « Code Falquet »

    Dans le dernier numéro du Bulletin du RCQ, le conteur Jacques Falquet de Gatineau – que j’ai eu le plaisir de côtoyer à plusieurs reprises lors de formations – nous présente la grille qu’il a élaborée pour tenir compte de la multiplicité des formes que peut prendre le conte au Québec.  C’est cette grille qu’il avait présentée à la Rencontre internationale sur le conte tenue à Sherbrooke en octobre dernier.  Jocelyn Bérubé l’avait alors malicieusement baptisée le « code Falquet », en clin d’oeil à un autre code plus médiatisé…

    Postulant avec générosité que toute personne qui affirme faire du conte en fait effectivement, Jacques remarque néanmoins que ce même vocable regroupe plusieurs pratiques extrêmement diverses.  Il propose que ces pratiques peuvent se placer sur 9 intervalles regroupés en trois grandes catégories, soit la matière, la manière et la connivence.  Je reproduis ici la grille pour en faciliter la consultation en lien avec mon propos, mais  aussi pour participer à sa diffusion parce que suis convaincu qu’il s’agit d’un jalon important dans la réflexion critique en vue de mieux comprendre nos pratiques.

    Dimension Définition De À En passant par
    La matière Du proche Au lointain
    La source L’origine du récit Bouche à oreille Création Archives sonores et écrites, livres, films, etc.
    Le genre Le type de récit Récit de vie Mythe Nouvelle, épopée, roman courtois, légende, conte
    Le matériau La véracité du récit Documentaire Fiction Docudrame, etc.
    La manière Du peu défini Au fixé
    L’appui La base de l’expression Uniquement des images Uniquement un texte écrit Toute combinaison des deux
    La mise en scène Mouvements et scénographie choisis d’avance Absente Élaborée Dépouillée
    La langue Le niveau de langue Populaire Littéraire Tout ce qu’il y a entre les deux
    La connivence Du proche Au lointain
    La relation La connivence narrateur-public Familière Solennelle Tout ce qu’il y a entre les deux
    Le lieu La spécialisation du lieu Convivial (salon, café, bibliothèque) Scénique Tout ce qu’il y a entre les deux
    Les choix de récits Qui choisit le récit à quel moment Par le conteur sur place Par le public d’avance Par le conteur d’avance ou par le public sur place

    Source: Falquet, Jacques, « Comment parler du conte au Québec, aujourd’hui », Bulletin du RCQ, no.17, mars-avril 2010, Montréal, pp. 9 à 11)

    Dans l’article, pour illustrer l’utilisation de sa grille, Jacques donne en exemples les « profils codés » des pratiques de Jocelyn Bérubé, Fred Pellerin, Stéphanie Bénéteau et Renée Robitaille.  Je prendrai cette occasion pour auto-analyser ma propre pratique de conte à l’aide de la grille:

    Du côté de la matière, mes contes sont essentiellement puisés dans les livres et sur Internet (où j’effectue des recherches pour trouver plusieurs versions d’une même histoire avant de conter) et parfois dans les archives sonores du Centre franco-ontarien de folklore à Sudbury.  Le plus souvent, j’adapte et fini par créer ma propre version à partir d’éléments provenant d’un peu partout. J’ai également quelques contes de création « purs ».  Voilà pour la source.  La plupart de mes récits s’inscrivent dans le genre du conte merveilleux, mais j’ai flirté avec le conte contemporain et même certains mythes.  C’est pratiquement toujours un matériau fictif, mais certaines images peuvent être tirées de mon vécu.

    En ce qui a trait à la manière, je suppose que mes récits « s’appuient sur des images » comme dirait Jacques, puisque le texte n’est pas appris par coeur et que je conte à partir de canevas. Néanmoins, j’effectue souvent un travail d’écriture (en amont ou en aval) pour structurer et mémoriser le récit.  La mise en scène du spectacle que je prépare actuellement est minimale, mais avec Mme G., ma coach chorégraphe, nous avons un souci d’éviter les gestes parasites et de choisir ceux qui parlent le plus, tout en me permettant d’investir davantage l’espace scénique.  La scénographie se limitera à un banc, alors que je m’habille en noir.  J’ai plus de difficulté à qualifier mon niveau de langue. Je dirais que c’est probablement un langage familier mais châtié, en ce qu’on me fait souvent des compliments sur la qualité de mon vocabulaire, mais que j’évite le passé simple et que j’utilise des expressions populaires lorsque je les trouve savoureuses.

    La connivence est probablement l’aspect de la grille avec lequel je me débats le plus actuellement.  J’essaie d’entrer davantage en relation avec le public, parce que je suis souvent plus dans ma tête avec mes histoires que dans la salle avec les gens.  Les lieux où je conte sont souvent conviviaux, mais il n’y a pas nécessairement toujours plusieurs possibilités qui me sont offertes.  Il est vrai que j’aime moins conter sur une scène très élevée.  Enfin, je choisis pas mal toujours d’avance les contes que je vais interpréter, en me donnant la possibilité d’en changer sur place si je m’aperçois que l’ambiance commande un récit vraiment différent.

    Soudain, ils entendirent conter…

    Mon autre « re-coup de coeur » de lecture pendant le temps des fêtes, c’est Suddenly They Heard Footsteps – Storytelling for the Twenty-First Century de Dan Yashinsky (Vintage Canada, 2004). Il a été traduit par les éditions Planète Rebelle en 2007. Je le lisais pour la troisième fois, je crois.  Ici aussi, une lecture stimulante, mais définitivement réconfortante.

    Dan Yashinsky est l’un des plus importants conteurs du Canada anglais. Fondateur du Toronto Festival of Storytelling, il conte depuis plus de trente ans.  C’est aussi un homme extrêmement simple et extraordinairement sympathique que j’ai eu la chance de rencontrer à quelques reprises.  Son intellect vif lors des échanges et son visible amour des gens sont contagieux.  Avec les conteurs anglophones des Township Tellers, il a été une de mes portes d’entrée vers le milieu du conte anglophone où la dynamique est plus axée sur le communautaire que sur le spectaculaire.

    J’aime le livre de Dan parce que ça se lit comme une biographie.  C’est touchant et profondément humain, donc facile d’accès.  Mais, en même temps, c’est une biographie de conteur.  À travers tous les épisodes biographiques filtre de nombreuses leçons pour les conteurs novices qui veulent bien y porter attention:  Comment animer une soirée de contes?  Comment apprendre des conteurs d’expérience? Comment bien choisir les contes trouvés dans les livres? Quand et comment adapter un récit traditionnel?

    Par ailleurs, c’est merveilleusement teinté de l’humour pince-sans-rire de l’auteur.  Ça donne des passages comme suit:

    « Il y a deux savoir-faire extrêmement importants que les conteurs doivent maîtriser.  Le premier, c’est comment déplacer les meubles.  Le second, c’est comment apporter une tasse de thé à une vieille dame. »

    J’ai peu entendu Dan Yashinsky conter, mais c’est certainement l’un des auteurs les plus généreux qu’il m’ait été donné de lire.  Qu’il parle avec émotion des derniers moments passés avec ses mentors en fin de vie ou d’avoir raconté à son fils qui reposait entre la vie et la mort dans une unité de soins néo-nataux, il partage sans pudeur l’amour, voire la nécessité, de l’art oral qui pour lui se tisse intimement avec la vie.

    « Nos histoires et nos proverbes constituent un cadre à l’intérieur duquel les enfants comprennent quelle place ils occupent dans le monde.  À travers ses récits souvent répétés, une famille se rappelle son histoire, ses valeurs, son goût de l’autodérision, ses moments d’héroïsme et les victoires de sa survivance.  En grandissant, on entend tout le temps ces petites histoires et ces fragments de souvenir sans y prêter attention; plus tard, on les chérit. C’est grâce à eux que nous savons comment notre traversée de la vie a été perçue, rappelée et évaluée. […]  Nous sommes nés dans des maisons faites de briques et de bois.  Mais nous sommes nés aussi dans des maisons faites d’histoires, de souvenirs, de dictons et de citations.  Les histoires gardées vivantes dans les familles marquent la croisée des chemins du passé, du présent et de l’avenir. »

    C’est pourquoi il encourage les conteurs à puiser dans ce fonds pour constituer leur répertoire.  Pour lui, tous savent « parler conte », une habileté culturelle acquise au fil des jeux de mots, comptines et calembours, mais il faut s’y reconnecter:

    « À mesure que l’on construit son répertoire de contes, il est important de garder à l’esprit que l’on construit sur des fondations qui remontent à l’enfance.  Chaque histoire que l’on apprend ajoute une nouvelle qualité, une profondeur et une aisance à un second langage que l’on a commencé à maîtriser la première fois que l’on a joué à faire ‘coucou’. »

    C’est ainsi que pour lui, les humains sont « storytropic », viscéralement interpelés par les contes…

    « Les contes oraux veulent nous aider à nous souvenir que la vie sur notre verte planète est éclairée à la fois par la lumière du jour et par la lumière des contes.  C’est pourquoi même les plus sceptiques écoutent de bon coeur le conteur quand il commence.  Soumis au tropisme du conte, nous sommes attirés par le récit aussi naturellement que les tournesols s’ouvrent au soleil. »

    En nous racontant sa première expérience de contage dans un camp d’été, alors qu’il a rencontré son premier « dragon », un enfant difficile qui ne cessait de l’interrompre, il nous rappelle un truisme fondamental de l’art du conte, mais que l’on oublie si souvent : « Celui qui écoute est le héros du conte. »

    « …Chaque fois que je conte devant un public, j’essaie de me souvenir que le héros de mon histoire est peut-être assis là, juste en face de moi.  Il ou elle est celui ou celle de qui l’on dit qu’il apprend lentement, qu’il ou elle est bête, celui ou celle qui risque de devoir abandonner ses études.  Pour ceux ou celles-là, l’histoire est bien plus qu’une suite divertissante de mots.  Ils écoutent parce qu’ils veulent que l’histoire soit vraiment la leur, une histoire qui puisse même contenir leurs folles passions, leurs peurs, leurs inconduites insensées et leur chance de pouvoir changer. »

    D’auditeur-héros en auditeur-héros, c’est le rêve de tous ces « fous d’orage » (storm fools) que sont les conteurs qu’enfin leurs histoires parviennent à « réparer le monde » [Je conserve cette dernière citation en anglais parce qu’elle m’apparaît plus puissante en version originale…]:

    « People have a new desire to reconnect to their own voices, memories and stories.  We’ve come to realize that we can’t double-click on wisdom. You must spend time listening and what you must listen to are stories told by word of mouth. The human race has never found a better way to convey its cumulative wisdom, dreams and sense of community than through the art and activity of storytelling. […] …In an age where the story-fire is almost extinguished, when news replaces narrative, and broadcast voices replace the living tongue’s frequency; when screenglow replaces hearth-fire, and data replaces wisdom…  We must rediscover the very form of storytelling, and through that begin to find the stories that will mend the world. »

    Moi, c’est le genre de citations qui me font du bien à l’âme.  Ça me confirme encore et encore mon choix de consacrer une partie de ma vie à cet art.

    Est-ce que j’ai dit que c’était un livre essentiel? Mike Burns m’a déjà confié qu’avec Conter, un art? de Michel Hindenoch, ça lui apparaissait un des ouvrages les plus complets sur notre métier…

    Qu’est-ce que vous attendez pour aller vous en chercher une copie?

    ****************************************************

    MÀJ (18/01/10): À bien y penser, c’est aussi un livre intéressant pour les non-conteurs.  Yashinsky y parle du désir de conter, comme un besoin, voire une urgence.  Utile pour les gens qui se demandent qu’est-ce qui pousse ces fous et ces folles à apprendre des histoires par coeur et à aller les raconter à leurs semblables…

    Flying Coach 0: De la mystérieuse Mme G.

    Retour en arrière: Je m’aperçois que je ne vous ai toujours pas présenté ma coach, Mme G.

    [Y’a pas de raison particulière à son anonymat autrement que le fait qu’il y a comme une tradition dans les blogues d’avoir des personnages qu’on ne nomme pas…  J’aime bien qu’il y ait un mystère autour d’elle.  Comme si elle était mon arme secrète.  En tant et lieu, quand le processus sera complété, je pourrai témoigner publiquement de tout ce qu’elle m’aura apporté.]

    J’ai pas fait de recherches de midi à quatorze heure.  Je connaissais son conjoint pour avoir déjà travailler avec lui il y a des années.  Je savais qu’elle offrait ce genre d’accompagnement.  On s’est rencontré pour du travail « pratique » une fois avant les Fêtes (avant mon spectacle à Québec), puis une autre fois pour planifier le travail de cet hiver.  Ça a cliqué et on se l’est dit. Le fit est bon.

    Je ne sais pas s’il y a un art pour se choisir un coach, quelqu’un qui ait un regard externe sur le travail artistique que l’on fait.  Pour moi, il fallait que la personne sache entendre là où je voulais aller, mais soit à l’aise d’être proactive et de m’offrir des pistes que je n’aurais pas pensé explorer.

    Je voulais aussi qu’elle ne vienne pas du milieu du conte.  Mme G. est chorégraphe de formation.  Je ne sais pas trop pourquoi, mais je vois beaucoup d’affinités entre conte et danse, bien que l’un soit art de parole et l’autre art du corps…  C’est sûr que le conte passe par le corps du conteur.  …Et je suppose que le corps qui danse raconte pas mal d’affaires.

    Mme G. a aussi été directrice artistique, performeuse, enseignante.  Si j’ai envie de jaser théorie, elle sera une bonne interlocutrice.  Comme on dit,
    «  elle peut m’accoter n’importe quand »…

    C’est pourtant dans le non-dit que j’ai envie de travailler avec elle.  Les silences, la respiration, la posture, le rapport indicible avec le public, le niveau d’énergie à maintenir.  Les couleurs que je veux donner à mes histoires, à ma façon de conter, que ce soit triste ou gai.  Mme G. parle de vibrations.  Comme dans « vibrer (soi-même) et faire vibrer » (le public).  Rien de très ésotérique au fond.  Ici aussi, je la sens plus que compétente.

    Ce qui m’a mis vraiment en confiance cependant, c’est l’acuité de son sens de l’observation.  Même devant un art qu’elle ne connaît que très peu, elle a su capter rapidement (mieux que moi même) le sous-texte qui traverse le spectacle que j’ai envie de donner.  Alors que tous mes contes tournent autour de l’idée de la mort et du passage vers divers Au-delàs, elle y a vu une volonté de parler de la beauté des choses et du monde (bien terrestre) qui nous entoure…

    Que ça sera Bon de travailler sur le Beau!

    Rencontre internationale sur le conte: impressions en rafale

    Difficile de parler de tout ce qui s’est dit ou même de ce que j’ai réussi à capter de toute la richesse de cette fin de semaine… à travers la mauvaise grippe que j’ai traîné et qui a certainement nuit à mon écoute et à ma participation (désolé d’avance pour ceux que j’aurais contaminé).  Nécessité de laisser du temps de décantation.  Tout de même, quelques bulles qui remontent à la surface:

    En introduction, un témoignage passionnée de la marraine de l’événement, Micheline Lanctôt qui a préféré pour ses enfants les contes de Grimm à la « littérature de CLSC » (les livres du type « Papa fait le marché » ou « Pierrot fait ses devoirs »);

    – Une conférence d’ouverture fort instructive de Marc Aubaret qui permet de replacer le conte au milieu de toute la famille de l’art oral (mythes, épopées, légendes, fables, formes courtes);

    Samedi matin, les raisons de raconter encore en 2009 avec Marc Aubaret, Mike Burns, Jihad Darwiche et Regina Machado.  Simplement, le monde en a de besoin plus que jamais. Besoin de repères, besoin de communauté, besoin d’imaginaires faces aux horreurs du monde, besoin d’espoir…  Plus personnellement, je découvre par ces les témoignages de ces conteurs à quel point le conte peut enseigner… subtilement.  À approfondir;

    Samedi midi, des bribes du Piège d’Issoudun, film où Mme Lanctôt intègre le conte du Génévrier des Grimm.  Heureusement que je savais la fin, ça m’a moins troublé;

    Samedi après-midi, lors d’une table ronde sur les pratiques, ce que Jocelyn Bérubé a appelé à posteriori le « Code Falquet »:  Une grille proposée par Jacques Falquet pour décrire la diversité des pratiques de conte.  J’aurai l’occasion d’y revenir parce que la grille de Jacques – sans doute imparfaite – a le mérite de nous permettre de sortir de la sempiternelle question du « C’est-tu du conte, ce qu’il fait lui? ».  D’autre part, le témoignage bouleversant de Regina Sommer qui a parlé de la coupure des allemands d’avec leur tradition orale depuis la seconde guerre.  J’ai versé plusieurs larmes sur ce peuple orphelin de ses propres mythes ensevelis sous les fantômes et les squelettes de placard.

    Samedi soir, très chouette spectacle.  Je découvre Regina Sommer comme conteuse.  Je connais tous les autres et les apprécient tous avec leurs couleurs si distinctes, mais j’ai encore un faible pour Hindenoch et Darwiche.  Des plaisirs personnels: Mike Burns qui raconte l’histoire de Fionn Mac Cumhaill et du saumon de la sagesse (qui apparaît dans un conte que je prépare), Hindenoch qui raconte l’histoire du moine que l’extase mystique fait se perdre dans les méandres du temps (un de mes favoris) et Yachinsky qui raconte la très belle fable du Léopard et de la tortue qui prépare sa légende avant de se faire trucider (l’illustration même que le conte permet la résistance)…

    Dimanche matin, des perspectives tantôt optimistes, tantôt pessimistes avec Marc Aubaret, Jocelyn Bérubé, Michel Hindenoch et Dan Yachinsky.  Ma fronde affectueuse contre Dan qui se demandait « Si les histoires nous choisissent, comment cela se fait-il? ».  Belle question s’il en est une!  Mais du même souffle, il prétendait que c’était une question pour les conteurs d’expériences, que les jeunes conteurs étaient trop occupés à amasser des histoires pour se questionner sur le répertoire.  Je suis donc aller au front pour revendiquer le droit pour les conteurs émergents de se poser la question du répertoire.  Je pense simplement que Dan a été surpris que cela puisse autant intéresser un « jeune ».  Suis-je le seul?

    Dimanche après-midi: Un atelier sur la transmission du répertoire où je prends conscience du fossé entre conteurs d’expérience qui seraient heureux de partager leur répertoire mais croient que ça n’intéresse pas les jeunes et conteurs émergents trop mal à l’aise pour aborder ces grands.  Sans compter que les « vieux loups » ont leurs propres problèmes.  Comme l’illustrait bien Jocelyn Bérubé, « Ils veulent enseigner ce qu’ils savent de la forêt aux petits loups, mais la forêt a été coupée.  Leur monde a changé.  Ils ont peine à se répérer dans le territoire. »  C’est décidé, si un jour je fais un doctorat, ce sera sur l’élaboration par les conteurs contemporains (n’ayant pas bénéficié de la transmission traditionnelle) d’un répertoire de conte.

    Par ailleurs, quel plaisir d’entendre Jocelyn Bérubé évoquer ses premières collectes en 1973 auprès d’un monsieur Desrosiers, violoneux et conteux, sous les questions toujours très justes de Dan Yachinsky.  Un moment que je chérirai longtemps…

    En résumé, une belle fin de semaine dont je sors fort satisfait!

    À la fin, il me reste tout de même un petit malaise, soit  l’impression très personnnelle que le milieu du conte est tellement pris dans ses propres problèmes et son propre besoin de définitions qu’il a de la difficulté à laisser de la place aux préoccupations de gens de l’extérieur, intéressés par le conte, mais qui l’abordent sous l’angle d’autres formes d’art, de vélléités thérapeutiques, de questionnements ethnologiques, etc.  Je sais que c’était le souhait des organisateurs que ce colloque s’ouvre à toute personne intéressée par le conte, mais de mon point de vue cela s’est terminé en réunion de famille.  Ça n’est pas triste et ça n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Ce n’est la faute de personne et il y a amplement à discuter entre nous pour que ce soit passionnant.  Pourtant, il me semble qu’on se prive d’apports externes qui pourraient nous permettre de sortir de nos lieux communs, de nos problèmes qui apparaissent souvent insolubles de l’intérieur.  Évidemment, ça veut dire accepter qu’on n’irait pas aussi loin ni aussi vite parce qu’il faudrait expliquer à ces gens le B-A-BA du contage (au sens où nous l’entendons) et possiblement lasser les initiés.  Comment en sortir?