Le printemps de l’ours

Toutes ces réflexions autour de l’immersion et de la sérendipité sont bien sûr inspirées par le projet sur lequel je travaille dans le moment avec les collègues Ours cordial, Ours insolite et Boucles d’or.  [Je me suis totémisé moi-même « Ours perplexe », pour vous servir…] Titre de travail : Le bal des ours.  Pour le 2oe anniversaire du Festival Les jours contés en Estrie (octobre 2012), nous sommes à préparer, vous l’aurez compris, un spectacle avec quatre histoires ursines (une par conteur).

Je m’attaque personnellement au conte de «Jean de l’ours » (AT 310B).  Un gros morceau.  Comme c’est un archétype qui existe dans les univers culturels européen, asiatique et amérindien, j’ai l’embarras du choix des versions… et des péripéties.  Pas de rareté ici; le travail en est plutôt un de filtrage des éléments qui me parlent le plus et de synthèse personnelle.  Si le début du conte est assez stable dans l’ensemble des versions que je lis, les derniers épisodes (notamment les aventures du héros dans « le monde souterrain ») vont dans plusieurs directions.  À moi de choisir ce qui me semble le plus signifiant pour en faire un récit cohérent.  Respecter l’histoire, tout en lui donnant ma couleur, mes motifs. Continuer la lecture de « Le printemps de l’ours »

Hiatus hivernal (la fois où j’ai failli lâcher le conte)

Hiatus : « solution de continuité, espace entre deux choses dans une chose. Interruption.»  Provient du latin hiare : être béant.

Je cherchais les mots pour traduire mon état d’esprit et expliquer ma trop longue absence en ce début d’année.  Voilà : je me sens béant.  Une plaie.  Un gouffre.

Passage à vide.   Une succession de grippes m’aura mis moralement K.O.   Je file un mauvais coton.  C’est la saison… Continuer la lecture de « Hiatus hivernal (la fois où j’ai failli lâcher le conte) »

Conter le Pays

Une version condensée de ce billet a été publiée dans la section « Prise de parole » du site des éditions Planète Rebelle.

La récente fête nationale qui s’est tenue sous le thème « Entrez dans la légende » m’a troublé à divers égards.  À priori, je crois évidemment qu’il faut nous réapproprier notre patrimoine oral.  Pour moi, c’est notre assise, nos racines.  J’en ai souvent parlé sur ce blogue.  Jusqu’à récemment, je trouvais que les conteurs et observateurs du milieu qui s’inquiétaient de la calcification, voire de la muséification du conte s’en faisaient pour rien.  Je n’en suis plus aussi sûr… Continuer la lecture de « Conter le Pays »

Marcher de l’autre côté des lignes imaginaires

En rédigeant mon dernier billet sur l’écriture de nouveaux contes, j’avoue que j’avais espoir qu’un certain nombre de conteurs qui pratiquent le conte de création – dont Nicolas Rochette – y répondent.  Or, voilà que Nicolas publie sur la page Facebook de Planète Rebelle un manifeste (!?) passionnant intitulé « Oser voir les frontières ».  Ce n’était probablement pas son intention, mais je veux y voir une réponse même si Nicolas se situe clairement au-delà du (vieux) débat que je voulais réinvestir.

Bien que de savoir repérer lesdites frontières soit un a priori (il s’agit pour Nicolas de « l’utilisation systématique de l’espace scénique, de l’instauration d’une valeur marchande de nos performances et de la linéarité du fil narratif du conteur qui DOIT être limpide » [mes emphases]), le sieur Rochette démontre bien qu’il est prêt à les transcender au nom de l’exploration et du développement de notre art.  Il invite les conteurs à le suivre.

Je prendrai certainement le temps de réagir à ce texte important.  Pour le moment, je voulais surtout signaler son existence.

Le seul défaut, c’est que ce n’est pour le moment accessible qu’à ceux qui ont un compte Facebook…

En filant sur la Toile

Quelques découvertes Web (plus et moins) récentes qui valent la peine d’être partagées, bien qu’il ne s’agisse pas a priori de nouveautés (i.e. celles et ceux qui suivent l’actualité du conte sont probablement déjà au courant, mais pour les autres…):

  • Le site de l’Association professionnelle des artistes conteurs (APAC), nouveau regroupement de conteurs français qui effectue un travail de réflexion intéressant. La conteuse Alice Duffaud (commentatrice régulière de ce blogue) m’en avait parlé en septembre dernier, mais je ne l’avais regardé qu’en diagonal à l’époque (désolé, Alice!).  Comme il en a été plusieurs fois question lors de rencontres de réflexion récentes et du colloque du Regroupement du conte au Québec (RCQ), j’ai pris le temps de le visiter plus en détail.Il faut notamment consulter leur définition de l’art du conteur dont les divers éléments qui la composent (filiation, répertoire, mise en oeuvre, représentation) donnent à réfléchir et ne pourront qu’alimenter les discussions dans le milieu.À noter aussi, le fait que l’association soit réservée aux conteurs professionnels (pas de diffuseurs ou d’« amis du conte » comme le RCQ).  Leur définition de « conteur professionnel », soit « le fait de gagner la majorité de ses revenus par le conte et activités apparentées », a le mérite d’être claire.  Selon ce critère, une APAC québécoise aurait donc peu de membres…  Voilà qui repose toute la question de la professionnalisation des conteurs et des conditions économiques de leur pratique ici et ailleurs.

    Un site important donc.  On ne peut que regretter – même si l’on comprend – que davantage de leur matériel ne soit pas (encore?) rendu public.  À suivre.

  • Le jardin d’Hinden, blogue du conteur, chanteur et formateur Michel Hindenoch.  L’influence de Hindenoch sur ma vision du conte est importante (voir notamment ceci), aussi ai-je été ravi de trouver d’autres textes de sa plume.  Il s’agit essentiellement de poésies et de réflexions – souvent touchantes! – sur la vie et l’art.  Cela écrit, la section « Gloses » regroupe quelques textes importants de son cru (qui datent des années 1980 et 1990 cependant).
  • De même, le conteur torontois Dan Yashinsky dont j’ai parlé à diverses reprises (ici et ici) anime The Tellery.  Il s’agit d’un site auto-promotionnel qui compte néanmoins certains éléments réflexifs et plusieurs contes (voir notamment la section « Downloads/Videos », incluant une conférence donnée par Yashinsky en souvenir de Joan Bodger et qui reprend une partie de la conclusion de Suddenly, They Heard Footsteps).  Il inclut aussi un espace de blogue.  Comme celui d’Hindenoch, il n’est mis à jour qu’occasionnellement mais les valeurs et les choix artistiques de Yashinsky traversent ses billets.  La lecture en vaut donc souvent la peine.
  • De même, pour les chercheurs d’histoires (qui lisent la langue de Shakespeare), les recensions très complètes du professeur retraité D.L. Ashliman (classées par thèmes, pays d’origine ou cote Aarne-Thompson!) ou l’archive nouvelle-âgeuse Sacred Texts (merci Éric Gauthier!), surtout la section sur les légendes et sagas.
  • En terminant, et parce que je ne peux m’en empêcher, ceux qui n’auraient pas encore découvert le magnifique site d’Apple-paille, notamment la section consacrée aux formulettes de conteurs, courrez-y!

Et vous, avez-vous des « adresses conte » à partager?

    Compagnes et compagnons de la côte

    Je reviens de La fête des chants de marins de St-Jean-Port-Joli où j’ai passé un week-en d’amoureux avec ma douce.  J’y ai notamment réentendu avec plaisir « Les souillés de fond de cale » (un groupe breton de Paimpol que nous avions découvert à Binic en 2000) et découvert le trio « Lemieux-Marchand » (le duo de père-fils violoneux des Lemieux complété par Paul Marchand à la guitare) et la comédienne et conteuse Valérie Lecoq qui animait une fort chouette randonnée « contée/jouée » (du « récit de vies théâtralisé », explique-t-elle) intitulée « Femmes de marins, compagnes de pêche ».

    Je suis un gars de la ville et je me sens plus proche du feu que de l’eau, mais y’a quelque chose qui me bouleverse profondément à être ainsi près de la mer et des bateaux.

    Ce fût l’occasion d’une passionnante discussion avec Mme Lecoq justement sur l’appellation « arts du récit » vs. « conte » (associé au spectacle pour enfants selon elle), l’utilisation d’accessoires en soutien à son spectacle (notamment un drap que l’on prend dans un lieu pour finalement le plier plus tard avec un membre du public) et le travail d’intégration du spectacle dans de nouveaux lieux chaque fois (la partie « randonnée » du show).

    Bien sûr, son spectacle est théâtralisé, mais elle n’en fait pas de mystère.  Elle fait d’abord un travail de comédienne.  Si le spectacle commence au « elle » en parlant d’Henriette, un personnage fictif de femme de marin composé de plusieurs témoignages véritables, dès la troisième station on passe au « je » alors que Valérie interprète Henriette.  Pour elle, « il me serait impossible ou difficile de refaire du conte de manière traditionnelle, assise sur une chaise.  Je connais peu de gens qui le font encore de cette façon ».  Point de vue intéressant…  Qu’il m’est évidemment difficile de partager complètement.

    De mon côté, j’ai particulièrement apprécié que le spectacle soit basé sur des documents ethnographiques et donne une voix à ces femmes dont on a très peu raconté l’histoire.  Bien joué, le personnage est fort attachant et le caractère authentique des répliques les rend d’autant plus poignantes (notamment ce moment où Henriette calcule n’avoir passé que trois ans avec son mari… sur dix-sept ans de mariage et « ne pas avoir aimé cette vie-là »).  Cependant, le texte très écrit me paraît peut-être perdre une souplesse qui pour moi doit caractériser le conte…  Surtout quand Mme Lecoq m’explique qu’elle doit toujours faire le récit dans le même ordre, alors que pourtant celui-ci se permet bien des sauts dans le temps entre jeunesse et vieillesse du personnage…

    Par ailleurs, les retrouvailles avec les « souillés » ont été l’occasion de se retrouver en Bretagne (dans nos têtes et dans nos coeurs) et d’ajouter deux chansons traditionnelles à mon répertoire: L’archi-connue mais magnifique « Isabeau » (« Isabeau s’y promène/ Le long de son jardin… ») dont ils font une très belle version a capella (« sans les mains » comme dirait Philippe Noirel, chanteur principal du groupe) et « C’est dans la ville de Larochelle » dont la mélodie et les paroles me hantent toujours: « La beauté, à quoi nous sert-elle?

    Après trois jours au bord du fleuve à m’emplir les yeux et les oreilles, je peux affirmer qu’elle permet de faire le plein de moments qui aident à supporter l’ordinaire.

    Faire de sa parole une peau (Hindenoch)

    [NDLR: Les vacances d’été me permettent finalement de compléter ce texte amorcé… en novembre 2009.]

    Lors de la Rencontre internationale sur le conte d’octobre 2009, la conteuse Sophie Joignant a témoigné du fait qu’elle se servait beaucoup en atelier du poème « Conter » qui ouvre le livre Conter, un art? de Michel Hindenoch [un must, en passant].  Pour elle, « il y a tout là-dedans ».

    Hindenoch, présent sur place, a donc accepté d’en faire la lecture, en expliquant qu’il l’avait préparé pour un colloque ayant eu lieu à Chevilly-Larue en 1994 et dont la thématique était « Qu’est-ce que conter? ».

    Conter

    C’est écouter à haute voix
    Un rêve ancien, plus grand que soi.

    C’est un acte magique, une poésie :
    C’est faire de sa parole une peau,
    Un oeil, une monture.
    Faire d’un rêve un souvenir,
    D’un souvenir une jeune aventure,
    D’un mensonge un aveu, une vérité vraie.

    C’est ouvrir son jardin et en faire un navire.
    Voyager. Rien de plus.
    Jusqu’à offrir à l’autre un souvenir nouveau,
    Risquer de faire de lui un témoin, lui aussi :

    Un conteur à venir.

    Cela m’a donné l’occasion de retourner à ce texte pour voir ce que j’y trouve pour alimenter ma propre réflexion.  Je ne sais pas si « il y a tout », mais en tous les cas j’y trouve beaucoup de matériel…

    De la façon dont je le lis, le texte peut se diviser en cinq parties qui m’amènent à des leçons fondamentales:

    Section 1: Le rêve ancien

    C’est écouter à haute voix
    Un rêve ancien, plus grand que soi.

    C’est un acte magique, une poésie :

    Ici, Hindenoch me rappelle le côté sacré du conte. Je suis depuis un certain temps partisan de l’idée que les contes seraient issus des rêves que les premiers hommes se seraient racontés sans nécessairement les comprendre, tellement les images y sont fortes et touchent à l’inconscient.  Il y a donc un respect que l’on doit avoir pour ces histoires, mais qui nous manque parfois…

    Section 2: Conter par les sens

    C’est un acte magique, une poésie :
    C’est faire de sa parole une peau,
    Un oeil, une monture.

    Là, on entre dans certaines maximes de la « théorie hindenochienne » si j’ose dire…  Dans ses formations, Michel nous enjoint à choisir les « mots de l’affect » (sensitifs) plutôt que de l’« intellect » pour raconter nos histoires. Pour lui, le narrateur doit être « l’espion de l’histoire » et la décrire de l’extérieur.  Déjà l’allusion chamanique à la parole comme « monture » est prélude à la quatrième section, véritable invitation au voyage.

    [D’un point de vue plus personnel, ayant été incommodé par de l’eczéma/ dermatite atopique pour l’essentiel de ma jeunesse, alors que mon anxiété et les émotions fortes que je vis se manifestent par des démangeaisons, « faire de sa parole une peau » (ou de sa « peau une parole », dans mon cas) me parle directement.]

    Section 3: Il faut y croire

    Faire d’un rêve un souvenir,
    D’un souvenir une jeune aventure,
    D’un mensonge un aveu, une vérité vraie.

    Ici, Hindenoch me rappelle le processus par lequel le conteur se « convainc » de son histoire afin de la rendre crédible au public.  On escamote souvent cette étape de rêverie éveillée.  C’est une autre maxime de la « théorie hindenochienne »: Dès que l’on a un moment de libre, prendre le temps de rêver ses contes, de les imaginer en détail.  Qui sont les acteurs à qui l’on confierait le rôle du héros?  De la princesse?  Dans quels lieux connus se déroule l’action?  Quelles sont les odeurs de chaque scène? Etc.

    Section 4:  L’invitation au voyage

    C’est ouvrir son jardin et en faire un navire.
    Voyager. Rien de plus.

    C’est la plus belle, selon moi.  De l’intérieur du conteur vers les autres… et l’infini des possibles.  Je pense que Hindenoch y parle de l’implication personnelle du conteur dans sa narration.  Mais aussi de l’objectif, sans prétention et pourtant fondamental des récits:  « Voyager.  Rien de plus.  »  C’est tout simple.  C’est immense.

    Du coup, ça me rappelle une phrase lue sur un poster inspirant où l’on voyait un navire sur les flots sous un coucher de soleil éblouissant: « A ship in a harbor is safe.  But then, this is not why ships are built. » (« Un navire au port est en sécurité, mais ce n’est pas pour cela que l’on construit des navires. »).  De l’audace dans le choix des histoires… donc de l’implication personnelle.

    Section 5:  Donner

    Jusqu’à offrir à l’autre un souvenir nouveau,
    Risquer de faire de lui un témoin, lui aussi :

    Un conteur à venir.

    Enfin, je comprends que Hindenoch nous parle ici du don que doivent faire les conteurs: Nous avons reçu les histoires en cadeau (oui, même celles que nous avons écrites).  Elles ne nous appartiennent pas et par conséquent nous devons les partager.  Nous n’en sommes que les médiateurs, des interprètes, des « espions » d’un « rêve ancien » (et l’on revient au chamanisme).

    Mais finalement, Hindenoch nous présente un objectif profond: réussir à toucher suffisamment le public pour l’émouvoir.  Il manque tellement de
    « témoins », de personnes rendues meilleures, plus heureuses, plus humaines, etc. par le contact du beau et du bon.

    Puisse notre parole les toucher.

    Répondre au courrier 4: les forces centrifuges

    J’ai déjà moi aussi déploré le fait que l’on se retrouve souvent seul devant son miroir à pratiquer ses histoires.

    Il m’est cependant difficile de parler de la solidarité du milieu ou non, notamment parce que je connais relativement peu la situation à Montréal et à Québec (des lieux où le « milieu » compte assez de personnes pour qu’il y ait solidarité ou non).  Je ne peux que déplorer la situation que je constate de l’externe : il y a des « gangs »… et pas toujours beaucoup d’échanges entre ces clans.  Ce réflexe clanique est assez naturel quand on y pense.  Qui s’assemble se ressemble et l’on fraie plus volontiers vers ce qui nous est connu et familier.  C’est vrai que l’on y perd tout ce que les uns et les autres pourraient s’apporter.

    En Estrie, j’ai déjà écrit que le Cercle des conteurs des Cantons de l’est formait un groupe serré, dont les rapports débordent souvent ceux reliés strictement au conte (on se visite, nos familles se côtoient, etc).  Il faut probablement nuancer ce portrait: Y’a ceux qui se sentent exclus, ceux qui choisissent de s’exclure eux-mêmes, ceux qui viennent nous voir et repartent parce que « ça ne colle pas ».  Même dans le « noyau », le fait est que l’implication des uns et des autres reste assez variable, notamment selon les responsabilités et occupations de tous et chacun.

    Vrai que souvent l’on compte sur les autres conteurs pour être spectateurs des spectacles de conte…  (Et je reste convaincu qu’il est sain et nécessaire d’en voir beaucoup, de voir évoluer nos collègues, de découvrir de nouveaux talents.  Ça fait partie intégrante de l’auto-formation!).  Sauf que les activités de conte se multiplie et il devient difficile d’être présent à tout.  Je sais pour ma part que j’ai manqué cette année seulement au moins deux spectacles que je tenais absolument à voir, et ce pour des raisons bêtes de synchronisation avec d’autres obligations personnelles.

    Constatons enfin que différentes personnes font du conte pour différentes raisons, avec des niveaux de priorité changeants, ce qui explique parfois ce degré d’implication variable, la participation ou non à des activités de pratique ou de formation.  J’ai plus d’une fois été déçu parce qu’un ou une collègue préférait une autre activité de loisir ou « mettait le conte de côté pour un certain temps ».  Ainsi va la vie, difficile de reprocher à un coeur d’aimer… puis d’aimer moins et de voler vers d’autres cieux.

    En Estrie, notamment, plusieurs conteurs sont également parents de jeunes familles…  La conciliation travail-loisir-famille, ça se vit aussi dans le milieu du conte.  Cela n’excuse pas tout, mais ça permet de relativiser et d’être philosophe.

    Pour moi, une partie de la solution au problème du manque de participation passe par la formation de jeunes conteurs (de niveau collégial et universitaire, disons) et celles de conteurs aînés (pré-retraités et retraités).  D’abord, il y a là une diversité d’expériences et une richesse intergénérationnelle à exploiter.  Par ailleurs, ce sont des gens avec davantage de temps à consacrer à une passion nouvelle…  La contrepartie: ces gens ont souvent beaucoup de passions nouvelles!

    Après les « Commandos Trad », la guérilla contée?

    Robert Bouthiller a récemment affiché cette vidéo sur son profil Facebook.  J’adore ça!  (Y’a parfois décalage (lag), mais écoutez jusqu’à la fin pour voir les « noms de code » des « agents » séditieux…)

    Ça conforte une idée que j’ai depuis un certain temps, à l’effet qu’il faudra probablement que les conteurs exposent le public au conte « de force » pour lui rappeler qu’ils sont bien vivants et actifs en 2010…

    Donner son opinion sur le milieu à partir de la périphérie

    Pour une chronique dans un magazine littéraire, on me demande « Comment se porte le conte au Québec?  Qu’est-ce qui explique cet état de fait? »  Euh…  C’est à moi que vous demandez ça?

    J’ai évidemment ma petite idée personnelle là-dessus, mais je ne suis pas organisateur, ni membre du C.A. du Regroupement du conte au Québec (RCQ) ou du Conseil québécois du patrimoine vivant (CQPV).  Je ne gagne pas ma vie en contant ni ne vend des livres de contes…  Ce que j’essaie de dire, c’est que ma perspective est forcément très partielle, régionale, provenant d’un conteur du dimanche qui observe le milieu par sa très petite lorgnette.

    Et puis d’abord, c’est qui le milieu? Les conteurs professionnels?  Les conteurs d’expérience?  Le bouillonnement des conteurs émergents?  Les membres en règle du RCQ?  Les organisateurs de festivals ou de soirées régulières?  Comment savoir où je me situe par rapport à quelque chose d’aussi mouvant?  Pour savoir si on est dans la marge, faudrait encore trouver le centre.  Tenez, ça fait penser à l’histoire de l’enfant qui lance ses flèches puis dessine les cibles autour et ainsi semble viser juste à tout coup…

    En tous les cas, ça a donné le paragraphe suivant, farcis de plusieurs lieux communs.  Je vous invite évidemment à commenter, critiquer, préciser, corriger, etc.  D’ailleurs, auriez-vous fait mieux?  Qu’auriez-vous répondu à cette épineuse question?   Partagez, on en sera tous plus savants.

    « Je dirais qu’il existe un dynamisme certain dans le milieu (multiplication des festivals, des soirées de contes, des cercles de conteurs), mais qu’il est miné par une extrême fragilité. Comme c’est le cas pour d’autres formes d’art, le public ne connait que certains aspects du conte et continue souvent de croire qu’il s’agit d’histoires qui ne servent qu’à faire rire les bûcherons ou à distraire les enfants.  Pourtant, comme chaque conteur ou conteuse porte sa parole de manière souvent très personnelle, il en résulte un foisonnement de styles (contes urbains, contes de création, contes militants, contes philosophiques, etc.).  À la limite, chacun est certain d’y trouver son compte (conte?). La tragédie est de voir que des conteurs qui bourlinguent depuis vingt-trente ans (Jocelyn Bérubé, Alain Lamontagne, Michel Faubert) ne sont que très peu reconnus pour leur apport artistique pourtant considérable.  Il me semble que les médias ont un rôle important à jouer dans la présentation d’un portrait plus juste de cet art complètement en phase avec notre époque où l’on s’interroge sur la mémoire, la transmission des connaissances, les relations interculturelles, intergénérationnelles, etc. »