Ouf ! Mon dernier billet remonte déjà à la mi-avril… Faut dire que, depuis, j’écris quand même pas mal… Mais j’écris des contes. Ou du moins, je lis, j’adapte et j’invente des récits auxquels j’espère conférer des éléments proches du conte. Évidemment, moi qui favorise habituellement les récits traditionnels, ça m’a amené à me poser des tas de questions sur la possibilité ou non d’inventer de nouveaux contes, ce que ça prend pour que ça en soit, etc. Continuer la lecture de « J’écris des histoires, mais est-ce du conte ? »
Auteur/autrice : jsdube
Écouter la vieille dame sage au fond des bois – Atelier avec Michèle Rousseau
Je viens d’avoir la chance de passer deux journées – les samedi 19 et dimanche 27 mars 2011 – avec une doyenne parmi les conteuses au Québec, madame Michèle Rousseau. À l’initiative des Productions Littorale, grâce au Conseil de la culture de l’Estrie et en compagnie d’autres conteurs du Cercle des Cantons de l’est, j’ai reçu un cadeau. Portrait impressionniste et impressions impressionnées.
Michèle est une fée, une « femme-sage », une adolescente de « 80 ans cet été ». Des bras interminables qui s’ouvrent au monde comme des rayons de soleil et, quand on croit qu’ils s’arrêtent enfin, des doigts si longs qui s’étirent à leur tour ; des rayons au cœur des rayons. Et combien elle rayonne… Tout un charisme et un tel amour des gens qu’on se sent submergé en sa présence. D’autant plus qu’elle était visiblement ravie d’être là, alors que trop peu de jeunes conteurs vont la trouver au fond de sa campagne pour solliciter sa sagesse. Lorsqu’elle incarne une vieille guérisseuse qui aide l’héroïne au cœur d’une de ses histoires, on n’a pas de mal à se laisser prendre au jeu. Cette rencontre revêtait donc un caractère extrêmement précieux pour moi et, sans doute, pour les autres. Continuer la lecture de « Écouter la vieille dame sage au fond des bois – Atelier avec Michèle Rousseau »
Le renouveau… littéraire du conte (2/2)
[Note: Cette entrée est la suite du billet « Le renouveau du conte… littéraire ». Pour lire la première partie, cliquer ici.]
Le Murmure des contes
L’entrée Wikipedia sur le « Renouveau du conte » en France et le rôle qu’y jouèrent BLS et Gougaud me semble un bon point de départ pour présenter ces « monuments » de notre discipline et l’ouvrage suivant:
« Deux artistes-conteurs encore en exercice, et par ailleurs formateurs de nombreux autres conteurs et conteuses, sont particulièrement importants dans cette période [années 1970-début des années 1980] : Henri Gougaud et Bruno de la Salle. Ils rendent compte de leur parcours, de leur réflexion sur le conte et de leur expérience artistique depuis 1960 dans l’ouvrage d’entretiens paru en 2002 : Le Murmure des Contes. »
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Le renouveau du conte… littéraire (1/2)
La visite de Bruno de La Salle au Québec en décembre 2010 m’a donné l’occasion de me replonger dans deux ouvrages qu’il a respectivement signé et co-signé. Il s’agit du Conteur amoureux (Casterman, 1995) et du Murmure des contes (entretiens avec Henri Gougaud, recueillis par Isabelle Sauvage, Desclée de Brouwer, 2002). Je les avais déjà traversés, mais je crois que cette fois-ci je les ai réellement découverts; tant il est vrai qu’il y a des lectures ou des leçons que l’on ne reçoit pas si l’on n’est pas encore prêt à les accueillir. Pour moi, ces livres devraient figurer dans toutes les bibliothèques de conteur ou conteuse, alors qu’on y trouve de nombreuses réflexions sur notre pratique. En relisant, j’ai pris de nombreuses pages de notes qui viendront enrichir de futurs billets (notamment sur la formation des conteurs et la constitution d’un répertoire). Je souhaite néanmoins en partager quelques extraits avec vous dès aujourd’hui…
De nouvelles histoires sur la Toile
À ceux qui s’intéressent aux nouvelles formes de narrativité qu’ouvre le numérique, deux références rapides: D’abord un billet de Gina Desjardins, l’une des blogeuses du site Triplex de Radio-Canada, qui complète fort bien mon propre billet de l’été dernier sur le Storytelling Transmédia. D’autant plus à propos qu’elle rend son explication lumineuse en l’illustrant par l’hypothétique diffusion transmédiatique d’un conte de fée (Blanche-Neige). Que n’y eus-je pensé avant elle! Ainsi:
Si l’équipe de promotion de ce film faisait du transmédia avec Blanche-Neige, voici ce qu’on pourrait voir et lire avant la sortie du film en salle :
– Une bande dessinée sur les sept nains avant qu’ils trouvent Blanche-Neige évanouie. On en apprendrait davantage sur qui ils sont.
– Un court-métrage sur l’histoire de la mère de Blanche-Neige qui souhaitait ardemment un enfant et qui a laissé quelques gouttes de sang tomber dans la neige après une blessure au doigt.
– Un roman sur le passé de la future méchante reine à la recherche d’un mari et cette fée qui lui a fait don d’un miroir magique.
– Un blogue tenu par le miroir magique. Il publierait des billets par rapport à l’obsession de sa propriétaire sur sa beauté et son exaspération de ne servir qu’à répondre à une seule et même question.
– Un jeu impliquant le prince et ses missions qui l’amènent à parcourir la forêt.Le transmédia permet de faire connaître l’univers aux gens sans trop dévoiler l’histoire de la réalisation ultime. Chaque média participe à sa façon au récit principal, mais chaque histoire existe indépendamment. C’est le point d’entrée d’un univers narratif adapté à différents publics.
Par ailleurs, la même Gina Desjardins n’a pas manqué de souligner (comme plusieurs autres journalistes) l’arrivée de la très chouette websérie interactive Fabrique-moi un conte, une idée de la réalisatrice Myriam Bouchard (Les chroniques d’une mère indigne), où l’internaute est invité à voter à chaque semaine pour donner à un réalisateur connu des contraintes (conte, acteur, lieu) dans la réalisation express (2 jours d’écriture/1 jour de tournage/ 2 jours de montage) d’un court métrage. Symptomatique de la visibilité médiatique du site, le hashtag (mot-clic?) #lescontes sur Twitter renvoie désormais à cette série…
Mon seul regret: Les treize contes proposés sont tous archi-connus du grand public (Pinocchio, Le vilain petit canard, Blanche-Neige, La Barbe-Bleue, Alice aux pays des merveilles, Cendrillon, Le petit chaperon rouge, La belle au bois dormant, La belle et la bête, Jacques et le haricot magique, Les trois petits cochons, Boucle d’or et Le vaillant petit tailleur). Est-ce qu’il n’y aurait pas eu là une magnifique opportunité de faire découvrir des contes plus rares aux adeptes de la série? Évidemment, une partie importante du plaisir est de voir comment les réalisateurs vont réinterpréter ces trames maintes fois utilisées, avec l’aide des scénaristes Caroline Allard et François Archambault. Par ailleurs, la notoriété des contes facilite le vote. Ne me reste qu’à espérer qu’après un franc succès cette fois-ci, il y ait des suites et que l’on doive renouveler la banque de propositions…
Comme le proposait sur Facebook la conteuse et graphiste Marie-Pier Fournier, l’organisation pourrait aussi s’associer à un ou des conteurs… (Pssst! Je suis volontaire!)
Des blogues cousins
Ces jours derniers, j’ai découvert via Facebook des cousins à Tenir conte. D’abord, Jean-Pierre Mathias, conteur breton contact du chanteur, conteur et ethnologue Robert Bouthiller. En parallèle avec son site professionnel, M. Mathias anime un blogue fort chouette: Contes et merveilles.
Puis, via Jean-Pierre Mathias, j’ai découvert le blogue Arrête de faire des histoires !… du conteur vendéen Frédéric Mahé. (Si vous lui trouvez effectivement un air de famille avec mes carnets, c’est que Mahé et moi utilisons tous deux le thème Tarski de WordPress). Ce blogue est une véritable mine de renseignements en conte, mais aussi en mythologie, domaine d’intérêt du blogueur.
Personnellement, j’y trouve des réflexions sur des thèmes qui me tiennent à coeur. Ainsi, ce billet sur le storytelling, sujet à propos duquel je planifiais écrire depuis un bon moment, tant ce phénomène de récupération de la narration m’inquiète.
Sur ce dernier site, suite à un billet de Mahé datant de 2009, une discussion bat son plein autour de la question de la liberté des conteurs en rapport avec la variabilité des récits issus de la tradition. Les échanges m’ont suffisamment intéressés pour que je me jette à l’eau à mon tour…
Ça fait quand même du bien de se sentir partie d’une famille d’esprit!
L’atelier de monsieur Bruno (collaboration spéciale)

Lors de son passage au Québec en décembre 2010, Bruno de La Salle a offert un atelier de formation le samedi 18 décembre dans la Maison Chevalier, à Québec. L’atelier s’intitulait « Du texte à l’oral ». Le texte de présentation se lisait comme ceci :
« Le propos du stage est d’envisager l’oralité comme un art de l’investigation : mettre en jeu le texte écrit mis en parole, le corps, et la relation aux spectateurs pour mener une exploration sur toutes sortes de matériaux. Nous aborderons le souffle, le discours, le geste et le mouvement nécessaires pour faire du texte de départ, un récit totalement dans l’oralité, pour aboutir à une narration-exploration. »
J’aurais bien aimé y assister, mais j’étais malheureusement coincé par des obligations familiales. Heureusement pour moi – et maintenant pour vous, chers lecteurs – un ange y était qui nous a rapporté des notes de ce qu’il a vu et entendu… Tenir conte est donc heureux d’accueillir un premier collaborateur externe, soit M. Gabriel Grenier, membre du Cercle des conteurs des Cantons-de-l’Est. Merci à Gabriel pour son travail de reporter. Le « je » dans le texte qui suit est donc le sien…
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Voir BLS… et conter!
Quelques mots sur qui est Bruno de La Salle – ou BLS comme j’ai entendu des gens du milieu l’appeler – et sur les raisons pour lesquelles je tenais absolument à la voir conter… jusqu’à braver des conditions routières pas évidentes un peu plus d’une semaine avant Noël 2010. (Merci à la fée Mirage, notre conductrice, et à l’ange Gabriel avec qui j’ai fait le voyage!)
Déjà, sa présence au Québec tenait pour moi de l’inespéré, alors que je m’étais résolu à ne jamais le voir et l’entendre en personne. (Le voyage en France est difficilement envisageable pour moi dans le moment.) Tout au plus, j’espérais me rabattre sur ses livres et ses enregistrements. Merci à Sylvi Belleau (Théâtre de l’Esquisse), Jacques Falquet, Dominique Renaud et à tous ceux qui ont rendu sa visite possible…
Citation: conte et philo
J’aime bien collectionner des citations à propos du conte. Celle-ci a été gentiment offerte par Mme Kateri Lemmens, professeure de littérature et humanités à l’Université du Québec à Rimouski:
«Le monde et la raison ne font pas problème; disons, si l’on veut, qu’ils sont mystérieux, mais ce mystère les définit, il ne saurait être question de le dissiper par quelque ‘solution’, il est en deçà des solutions. La vraie philosophie est de rapprendre à voir le monde, et en ce sens une histoire racontée peut signifier le monde avec autant de profondeur qu’un traité de philosophie. »
M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, p. XVI.
Merci Mme et M. Soupault
Elle était photographe et traductrice. Il était journaliste et poète. Il co-fondra le surréalisme avec André Breton. Elle sera formée au Bauhaus avec Kadinsky, Klee et Munch. Ensemble, ils parcourront le monde. Pour notre bonheur, ils aimaient les belles histoires. Plus d’une centaine de contes, récoltés principalement en Amérique du Sud et en Europe méridionale et orientale, mais aussi en Asie, Océanie, un peu en Amérique.
J’ai découvert ce couple fascinant en même temps que leurs collectes. Belle collection que ces Histoires merveilleuses des cinq continents, trouvées chez un éditeur jeunesse (Pocket Junior, mais ils existent aussi chez Seghers, sauf que la brique date de 1975). Si les auteurs nous donnent les pays d’origine des contes, on aurait aimé disposer également de l’identité des informateurs et des conditions de collectes, tant la trouvaille d’un conte est une histoire en soi. Bien sûr, cela aurait été au-delà d’un recueil de contes que l’on destine aux enfants… Pourtant, ces récits n’ont rien d’enfantin. On s’y assassine et on s’y passionne à qui mieux mieux, sans compter que la symbolique y est souvent d’une grande richesse.
Parfois un peu artificiellement séparés en thématiques par l’éditeur, les contes ont bénéficié d’une transposition à l’écrit qui reste directe, sans ornementation, respectant l’essentiel de la trame de chaque récit. Parfois, on a aussi droit à des chutes extrêmement rapides. Mais cette sobriété est bienvenue puisqu’elle permet au conteur de se mettre aisément en bouche les histoires, sans devoir faire un travail « d’extraction » pour se les réapproprier (comme c’est souvent le cas à partir des contes réécrits magnifiquement par Henri Gougaud, par exemple).
- Histoires merveilleuses des cinq continents, Au temps où les bêtes parlaient, Tome 1, Pocket junior, 2000
- Histoires merveilleuses des cinq continents, Sur les routes, l’aventure, Tome 2, Pocket junior, 2000
- Histoires merveilleuses des cinq continents, Amours et jalousies, Tome 3, Pocket junior, 2000
Si ces livres sont malheureusement épuisés, ils se trouveront sans doute en occasion ou dans les bibliothèques.