J’écris des histoires, mais est-ce du conte ?

Ouf ! Mon dernier billet remonte déjà à la mi-avril…  Faut dire que, depuis, j’écris quand même pas mal… Mais j’écris des contes.  Ou du moins, je lis, j’adapte et j’invente des récits auxquels j’espère conférer des éléments proches du conte.  Évidemment, moi qui favorise habituellement les récits traditionnels, ça m’a amené à me poser des tas de questions sur la possibilité ou non d’inventer de nouveaux contes, ce que ça prend pour que ça en soit, etc.

Le fait est que certains projets se sont présentés à moi récemment qui m’ont obligé à creuser davantage du côté de l’écriture.

  • D’abord un spectacle à l’école de mon fils (27 avril 2011) où on me demandait de choisir un ou des livres pour enfants  (à partir d’une présélection) et d’adapter en vue de raconter : J’ai donc lu plusieurs ouvrages jeunesse en me demandant si ça « feelait » comme du conte, si ça se racontait bien à l’oral, s’il y avait assez de péripéties, si je me sentais à l’aise de « mettre à ma main » le récit, etc.  J’ai finalement choisi Le gros monstre qui aimait trop lire  de Lili Chartrand et C’est encore loin, papa ? d’Émile Jadoul et Catherine Pineur pour en faire mes versions, inspirées des originales, mais avec ma couleur distincte tout de même. J’avoue avoir aussi craqué pour Le grand voyage de Monsieur de Gilles Tibo, mais je n’ai pas eu le courage d’attaquer un sujet aussi délicat (la mort d’un enfant).
  • Ensuite un spectacle duo avec le poète et slamestre Frank Poule (20 mai 2011, à l’Auberge La Caravane de North Hatley).  J’ai fait des contes déjà présents dans mon répertoire depuis un certain temps, mais j’ai aussi dit quelques poèmes.  Ici, pas vraiment de confusion des genres de mon côté (c’était soit du conte, soit de la poésie), mais le plaisir de me mettre au défi, d’explorer un autre type de parole et de réaliser qu’il y avait place à d’intéressants métissages et jeux de langages.  La (petite, dans mon cas) collaboration que j’ai vécu avec Eddie Lopèz, le musicien qui nous accompagnait, m’a aussi fait vivre très humblement le bonheur un peu euphorique de sentir sa parole s’élever, portée par la musique.
  • Enfin, je participe samedi soir prochain, 4 juin 2011, à la seconde édition du concours « Que le meilleur conte » avec cinq autres conteuses et conteurs des trois coins du Québec.  Chacun d’entre nous doit présenter sa version de Rose Latulipe (Le diable au bal) en respectant certains motifs de base et en ne dépassant pas 10 minutes.

L’an dernier (ou était-ce avant?), pour lancer une discussion j’avais posé la question au Cercle des conteurs des Cantons de l’est : « Êtes-vous d’accord avec l’adage qui veut que toutes les histoires aient déjà été inventées?  Pourquoi? » [J’ai un sac plein de questions toutes aussi torieuses que je traîne dans nos rencontres, au cas où on manque de sujets… Ce qui n’arrive pas souvent.]

En abordant la création d’un nouveau conte, je me pose encore et toujours cette question.  Si je veux « faire conte » dans mon écriture, je m’aperçois que je cherche les archétypes et les symboles, que je deviens plus attentifs aux chiffres (trois étapes), aux couleurs, aux objets, aux animaux, au « deuxième niveau » de sens – ou est-ce premier? le troisième ? – de chaque élément.  Je simplifie l’action, je multiplie les péripéties, j’évite la psychologisation des personnages…

Mais est-ce que cela fait du conte ?  Du « bon » conte ?  Qu’est-ce qui me dit que ce n’est pas de la mauvaise nouvelle [le jeu de mot est involontaire, je le jure] ?  Du proto-roman ?  De la prose ponctuée ?

Surtout, comment inventer des intrigues qui auront la force et l’efficacité de celles qui ont été polies par des siècles et des siècles de mises en bouche et de partage en oreilles ?  Comment arriver à la cheville de ces contes-là qui vous remuent les atavismes en deux ou trois motifs fondamentaux ?  (J’en ai déjà parlé ici.)

Bref, de chouettes questions, que je lance particulièrement à vous, conteurs de création ? Vous qui écrivez vos histoires, qui avez tellement besoin de passer à l’histoire (la vôtre) que vous en préférez vos propres mots à tous les joyaux narratifs ancestraux… Joyaux que nous avons pourtant la responsabilité de dépoussiérer pour qu’ils continuent à circuler. (Si nous ne le faisons pas, qui alors ?)

[Là, ça va ?  Je vous ai assez asticoté pour pour vous inciter à répondre ?  Sinon, je peux continuer, vous savez. ;-)]