Homo homini lupus est


wolf_photoLe Regroupement du conte au Québec a proposé un concours d’écriture où l’on demandait de traiter de la fonction du Grand Méchant Loup dans les contes. La date limite pour y participer était le 30 janvier 2016.  Je l’ai manqué, mais le sujet était trop beau pour que je ne tente pas d’écrire à ce propos.  Dans les règlements du concours, on précisait:
« Le loup est un symbole important de la littérature orale, étant donné la charge qu’il projette : un prédateur cruel et sanguinaire, qui n’hésitera pas à dévorer le premier venu. Son rôle comporte également une dimension morale et punitive. Dans un monde que l’on tente d’aseptiser et d’édulcorer, surtout pour ce qui est de l’univers des enfants, le loup a-t-il toujours sa place dans les contes? »

Voici donc ce que tout ça m’a inspiré.  Ce n’est pas très long, ni transcendant, mais c’est vraiment ce à quoi je crois…


Le Loup du Petit Chaperon rouge est – évidemment – cruel.  Il ne se contente pas de manger sa victime (Heureusement d’ailleurs, parce que l’histoire serait courte…).  Il la trompe, il la dupe, il abuse de sa confiance. Il veut entrer dans son intimité, la débaucher et la corrompre.  Dans certaines versions populaires, non content de s’être repu de la mère-grand, il donne à la fillette le sang de l’aïeule à boire et sa chair à manger. Il convainc l’enfant de se dévêtir et de passer au lit avec lui.

Et c’est très bien ainsi.

Oui, transmission intergénérationnelle, découverte des interdits de la sexualité, puberté et menstruations…  Sans doute.  Récit d’avertissement et d’initiation…  Bien sûr.  Matérialiser ses peurs pour les confronter.  Sûrement.

Mais n’y a-t-il pas autre chose ? Pourquoi tant de cruauté ?  Pourquoi le subterfuge et la duplicité ? Dans d’autres histoires, il se fait passer pour une mère afin de dévorer des enfants ou bien il détruit les abris de deux frères pour les terroriser… Au-delà de l’épreuve à traverser, le Grand Méchant Loup des contes n’agit pas comme un animal, mais c’est certainement un prédateur impitoyable.

Il n’est pas question ici de mettre en garde les enfants contre Canis Lupus Lupus et ses congénères.  Non, c’est de la plus dangereuse des bêtes qu’ils doivent se méfier : de l’humain lui-même.

main_patteBrillante supercherie que celle-là ! L’enfant n’est pas prêt à accepter que ses semblables soient si retors.  Un animal sauvage toutefois, même anthropomorphe, c’est déjà l’Autre.  L’Autre peut être capable d’autant de cruauté et, en agissant selon sa nature, de faire bénéficier l’enfant de la connaissance de telles ruses…  Oui, il est des êtres aussi mauvais.  Oui, un jour tu en rencontreras.  Maintenant tu sais à quoi t’attendre.

C’est pourquoi je deviens colérique à la seule pensée de ceux et celles qui voudraient adoucir les histoires de loups méchants, d’ogres sadiques, de sorcières malicieuses sous prétexte de trop de violence. Le monde n’est pas que rose, mignon et sucré.  Comment peut-on préparer nos enfants à lui faire face… sans les dégoûter tout de suite de l’humanité (parce qu’elle a aussi quelques bons côtés) ?

Vive les monstres!

3 réflexions sur « Homo homini lupus est »

  1. « L’enfant n’est pas prêt à accepter que ses semblables soient si retors. Un animal sauvage toutefois, même anthropomorphe, c’est déjà l’Autre.»
    Je n’y avais pas pensé sous cet angle. J’aime. Tout-à-fait d’accord!

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