Flying Coach 4: prendre conscience

Vendredi soir dernier, j’ai conté à un spectacle-bénéfice pour Haïti à Mont-St-Hilaire.  Voici quelques notes gribouillées le lendemain matin:

Encore une fois j’y étais… mais pas tout à fait.  J’ai de la difficulté à même me rappeler de comment je me sentais.  Pour moi, c’est déjà signe que je n’y étais pas complètement.  Pas assez présent.

C’est vrai que je suis passé à la fin de la soirée, le huitième conteur.  À ma demande, d’ailleurs.  Je ne me voyais pas conter ça ailleurs dans le show.  Marc-André m’a présenté.  Je me suis levé de ma place et, regardant par terre, je me suis rendu à l’avant.   Je suppose que j’avais les épaules voutées. Pas beaucoup de verticalité dans ma posture…

J’ai salué le public et, toujours en regardant par terre, j’ai tenté de justifier ce que j’allais conter.  Que, compte tenu de l’occasion, j’avais l’impression qu’il fallait que ce soit fait avec bonne humeur, mais aussi le respect.  J’ai fini par les regarder, leur ai souri, ai respiré, puis je me suis mis à conter « L’homme à la fin du monde et l’enfant », un conte qui me boulverse toujours autant.  [Surtout qu’il y avait le cheval blanc qui me trottait dans la tête depuis quelques jours…]

J’ai pris conscience encore une fois d’avoir accéléré vers la fin, d’avoir monté d’un octave et d’avoir senti que je manquais de souffle.  Le temps de m’en apercevoir, le conte se terminait et je n’avais pas eu le temps de me poser, le temps de respirer.  Je réalise maintenant que je respirais de la poitrine plutôt que du ventre.  J’étais un peu dans ma tête, mais surtout j’étais dépassé par l’émotion.

Ce n’était probablement pas trop désagréable à écouter, mais c’était désagréable pour moi de ne pas avoir pris le temps de savourer la fin de mon histoire.  Pas ma pire fois… Certainement pas ma meilleure.

Je pense que j’entre dans la phase où « tout ce que je faisais est assez déconstruit pour que je ne le fasse plus naturellement »…  J’ai perdu certains repères, mais je n’ai pas encore eût le temps de m’en bâtir de nouveaux.  Je suis « self-conscious ». Intimidé.  Il me semble être balourd, maladroit.  Mes gestes et ma tenue ne semblent pas naturels.  J’imagine que ça fait partie du processus pour s’améliorer, mais c’est pas évident à traverser…

Une réflexion sur « Flying Coach 4: prendre conscience »

  1. salut,
    comme je suis incorrigible, je commence par une anecdote personnelle:
    Un jour (ça commence à dater), on a appris par hasard le décès par cancer d’une amie, quinze jours après, quinze jours trop tard.
    J’ai jamais été aussi en colère de ma vie. J’ai voulu me « venger » de cette situation et j’ai écrit une histoire avec toute la rage, la colère et la tristesse que je ressentais alors.
    Je l’ai contée devant ma gang de conteurs auto-gérée, avec qui on répétait à toutes les semaines. J’ai pas pu aller jusqu’au bout, j’ai terminé en larmes et en m’étranglant à moitié. Une de mes chums conteuses m’a dit: « celle-là, tu la mets dans ta poche avec ton mouchoir par-dessus, et tu la ressors quand c’est devenu une histoire pour de vrai. Le public vient pas te voir pour en prendre plein la face et éponger tes états d’âme. »
    J’ai obéi instinctivement tellement sa remarque était juste: mon rôle était de conter, et pas de me soulager les nerfs…

    Sans comparaison avec la timidité dont tu fais mention, c’est vrai que quand on se laisse dépasser par les émotions, ça prend le pas sur tout le reste. Parfois, c’est juste un peu de distance qui est nécessaire. Parfois, c’est du temps. En fait, maîtriser son histoire, je crois que c’est surtout rester maître de ses propres mots. Les récits sacrés existent depuis si longtemps… Seuls les mots et les langues changent.
    Peut-être, pour se préserver de l’émotion qui déborde, faut-il seulement présenter l’histoire, toute simple et sans les apparats du sacré, au public, et garder ce qu’elle a de sacré par-devers soi. Dans notre petit jardin secret.
    Les récits que l’on chérit, on veut tellement bien les servir et les donner qu’on s’en fait des montagnes infranchissables. On tremble de mal faire, alors qu’il suffirait, en toute simplicité et avec infiniment d’humilité, de faire.
    Pas facile, houlà non !
    (Je ne sais plus qui a dit « le mieux est l’ennemi du bien », mais y’a des fois où je me dis qu’il n’avait pas tout à fait tort…)

    À propos de la posture, la respiration et tout, moi je trouve que tu restes vachement bien conscient de tout. ça m’épate ! C’est le genre de choses qui m’échappent totalement -du moins la plupart du temps. Je suppose que quand on se maîtrise, on doit parvenir à tout ça en même temps, se voir, voir les gens, voir son histoire, être dedans et dehors à la fois. Aïe, aïe,aïe… Y’a du boulot… Respirer, se redresser, arrêter les gestes parasites… Oui, oui, oui… Mamma mia !
    Niveau tenue, je trouve qu’il faut du temps pour arriver à ne plus se « déguiser » en conteur, mais « être » conteur. Je n’y arrive pas encore vraiment. Conter avec mes vêtements de tous les jours m’a bien aidée dans ce sens. J’y ai retrouvé un peu de naturel. ça force aussi, je crois, à perdre toute confiance dans le « costume » (qui n’en mérite guère), et à se concentrer sur le corps, la voix, des choses plus essentielles.

    Deux dernières choses:
    1) Je me pose la question de l’utilité de présenter son conte avant de le conter. ça créé peut-être une partie de la tension ultérieure. Pourquoi ne pas plonger directement dedans ? Là, je te pose la question à toi. Dis-moi les « pour » et les « contre » qui t’amènent à ces présentations, ça m’intéresse.

    2) Pour ce qui est des « choses-qu’on-devrait-faire-et-qu’on-oublie-de-faire-et-après-on-s’en-mord-les-doigts », « remember Kowarsky »: ça n’a aucune importance…

    …Perso, je traduis par « ça viendra… Si ça doit venir. »

    Ce qui n’empêche pas de bosser dessus.

    « Last but not least » (ça s’écrit comme ça ?), je serai curieuse et même furieusement réjouie de pouvoir jeter un oeil (voire les deux), sur ce fameux texte qui t’émeut tant… Elle a l’air pas pire cette histoire… Je vais me renseigner sur l’origine, mais j’avoue que je lirai bien ta prose en « word et en pixels » (« en chair et en os », ça ne collait pas)…

    À quand une tournée en France avec ce spectacle ?

    Bonne soirée !

    xxx
    Alice

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