Brutal retour à la normale post-festival

L’aterrissage est toujours difficile, mais on dirait que c’est pire cette année.  Parce que j’ai dû combattre une grippe juste avant la 17ième édition du Festival Les jours sont contés en Estrie?  Parce qu’entre la Rencontre internationale (16 au 18 octobre) et le Festival (22 au 25 octobre), j’ai dû me taper un colloque à Québec (20-21 octobre) pour le boulot?  Parce que j’ai conté la dernière journée un conte difficile et que ça m’a vidé?  Parce que j’avais du rattrapage à faire au travail et avec la famille après deux week-ends d’absence?  Parce qu’ayant été très présent à la Rencontre, je l’ai été moins pendant le Festival?

Toujours est-il que cela m’a pris jusqu’à aujourd’hui avant de m’arrêter pour effectuer un certain retour sur les spectacles vus, l’ambiance, les discussions avec ces passionnés de la Parole…

Il m’en reste d’abord l’immense gentillesse et délicatesse de Serge Valentin avec qui Josée Courtemanche et moi étions jumelés pour notre « Friandise » (formule apéro-conte).  Talentueux, humble, chaleureux et généreux avec ses co-conteurs comme avec le public.  Il y a une époque où on appelait ces gens-là des gentlemen…  Tant Serge que sa conjointe Christine sont de cette visite qui met ses hôtes complètement à l’aise, si bien qu’on les réinviterait n’importe quand.

Il me reste des discussions poignantes mais très pertinentes avec Sophie Joignant sur son spectacle « Le mystère des Alyscamps » et l’importance de parler de la mort avec légerté.  En effet, « Le mystère » évoque la nécropole romaine des Alyscamps, près de la ville d’Arles.  Les histoires qui composent le spectacle sont drôles, modernes, tout en étant situées dans l’Antiquité et mettant en scène les rapports entre vivants et morts.  Sophie qui me conseille gentiment (mais fermement) de laisser les formations et de travailler à trouver ma voix propre…  Sophie qui m’a fait de chouettes commentaires après que j’aie eue conté l’histoire de Cormac MacArt lors de la Friandise du dimanche.

Il me reste des instants de bonheur à entendre trop brièvement conter la suisse Lorette Andersen et Dale Jarvis de Terre-Neuve.  Alors que la première sait déployer une énergie impressionnante, le second dispose d’un charisme exceptionnel et d’une voix puissante.  Bonheur aussi que les petits récits tout ciselés de Philippe Sizaire, des textes très écrits qu’il prend un visible plaisir à dire.

Mais il me reste beaucoup l’impossibilité d’aller à la soirée d’ouverture ou aux autres « Friandises » pour entendre mes collègues, le choix de ne pas aller à la nuit où Jihad Darwiche en a fait vivre milles et unes autres jusqu’à l’aube (lorsque j’y suis allé dans le passé, j’ai été trop crevé pour finir le Festival).  Il me reste ce qu’on m’a raconté du spectacle magique de Mathieu Lippé à St-Camille.  Il me reste le regret des spectacles en anglais où je n’ai pas pu courrir cette année.

Il me reste une unique soirée le samedi après les spectacles où plusieurs y sont allés de chansons traditionnelles de chez eux et où l’on a voyagé entre Terre-Neuve, le Québec anglophone et francophone, l’Argentine, la Bretagne, la Pologne et les Cévennes en l’espace d’une demi-heure…  Il me reste une discussion toujours aussi passionnante avec Christian-Marie, l’oeil qui brille de mille projets et de connivence.

Il me reste toutes ces réminiscences du Festival mais, une fois dégrisé (pas tellement d’alcool cette fois-ci), il reste surtout l’attente de la prochaine édition.  Le Festival aura l’âge de la majorité, mais il est déjà pour moi un événement majeur depuis longtemps.  Majeur à échelle humaine, il va sans dire.  Pourvu qu’il ne devienne pas trop sage…  Merci à tous les bénévoles qui le rendent possible, à l’équipe de Littorale et à la Mer Supérieure qui le porte et l’enfante chaque année.

Assumer de s’assumer

Depuis quelques jours, je me débats avec le verbe « assumer ».  Selon le Robert, « prendre à son compte; se charger de » (du latin as-sumere, littéralement « prendre sur soi »), mais aussi « Accepter consciemment (une situation, un état psychique et leurs conséquences) ». « Synonymes: endosser, supporter ».  C’est un verbe que j’entends souvent dans le milieu du conte, comme dans « assume la fin de ton histoire » ou « assume la gravité de ton conte », etc.

En préparation de la Rencontre internationale sur le conte le week-end prochain, je visionne certains films de la marraine de l’événement, Micheline Lanctôt.  Pour comprendre la filiation avec le conte dans son oeuvre, bien sûr, mais plus simplement comme une occasion d’élargir ma culture cinématographique québécoise.   Or, tant dans Suzie (2009) que dans Le piège d’Issoudun (2003), il est question d’« assumer » son rôle de parent.  Une fois qu’on a donné vie à un enfant, on ne revient plus en arrière.  En est-il de même pour les artistes et les oeuvres qu’ils mettent au monde?  Est-ce qu’un conteur devient en quelque sorte le « parent » des contes qu’il adopte (ou des contes qui l’adoptent)?

Lorsqu’on me conseille d’assumer ma parole ou un choix artistique, y traverse me semble-t-il une notion de responsabilité associée à une décision prise. Toutefois, ce qui pourrait sembler un fardeau doit s’accomplir dans la légerté de l’aisance…

Une décision ou un choix se prend à un moment précis dans le temps.  Ensuite, le fil des jours, les circonstances, nos humeurs variables viennent constamment fournir de nouveaux paramètres qui influent sur cette décision initiale.  Pourtant, on devrait assumer ce choix jusqu’au bout.  Mes finales doivent être contées avec la même fougue que mes entrées en matière.  L’ordre des contes de mon spectacle ne peut constamment être remis en question, pas plus que je ne dois « adoucir » un sujet plus lourd dans une de mes histoires lorsque je sens un malaise dans le public ou dévier du choix de rester de marbre même si une péripétie peut paraître saugrenue.

Est-ce trop rigide? Y manque-t-il une flexibilité liée à cet art du conte que l’on veut « vivant », « dans le moment présent »?

Pourtant, il m’apparaît enrichissant de contempler cette idée de « supporter » le conte, de l’« endosser » avec conviction et assiduité au fil du temps et parfois envers les valeurs de l’époque.  Une autre dimension au titre de ce blogue?  J’aime à le penser.

Mais c’est qui Gigi? (Bigot)

Je pars tôt demain matin pour une formation de deux jours offertes par le Regroupement du conte au Québec sur le thème « La création d’un solo de conte » (Merci RCQ!). Compte tenu de là où j’en suis dans ma démarche artistique, le programme me va tout à fait:

Les participants seront amenés à se questionner sur la pertinence de leurs choix, sur la façon de s’approprier un univers, de personnaliser leur spectacle (leur « conte »), d’être soi-même, de se sentir libre et vivant et de donner aux histoires traditionnelles ou autres toute leur force et leur pertinence dans l’ici et maintenant.

Mais surtout:

En ce qui concerne la gestion des énergies, les participants seront guidés dans leur recherche d’une technique personnelle de gestion de l’énergie et des moments forts du solo, sans céder à la peur panique de la perte de contrôle.

J’avoue être curieux de la façon dont la formatrice, Mme Gigi Bigot, conteuse française que sa réputation précède (c’est une grosse pointure là-bas!), arrivera à faire avancer chacun (nous serons six participants) sur son projet personnel tout en conservant une certaine cohésion au groupe…

Surtout, évidemment je suis aussi plutôt curieux de savoir qui est cette bonne dame. Alors je suis allé consulter son site Web. Outre la bio de circonstance, c’est ce texte-ci (« Des traces de pas dans l’air ») qui me touche beaucoup…  Par ailleurs, elle semble favoriser une approche réflexive du conte.  Disons que cela augure bien.