Des jeux pour jouer à conter (2/3)

[Je poursuis ma série sur les jeux qui permettent de jouer à conter, d’initier au contage ou de développer des habiletés utiles aux conteurs…  Le début du texte est ici.]

Jeux perpendiculaires (pas directement pour conter, quoique…): 

dixit_boiteDixit (Libellud): Maintes fois primé, Dixit n’a peut-être plus besoin de présentation.  Je m’y risque tout de même, ne serait-ce que pour expliquer sa présence dans ma liste…  D’abord, le matériel est superbe.  Les illustrations des cartes par Marie Cardouat sont époustouflantes.  Elles parviennent à restituer un climat que je qualifierais d’«inquiétante naïveté», propice aux contes de fées. L’univers présenté par l’illustratrice est proche de celui des contes, avec une symbolique riche et universelle (soulier, dragon, arbre, etc.). Certainement de puissantes sources d’inspiration pour qui veut écrire ses histoires.

dixit_imagesIl reste que Dixit n’est pas vraiment un jeu de contage (même si je l’ai parfois vu présenté ainsi). L’objectif est de donner un titre ou une phrase associé à une illustration, sans que les autres joueurs ne voient cette dernière.  À tour de rôle, les autres joueurs tenteront de
choisir une de leur carte qui correspond le mieux à ce titre.  En fin de tour, tous doivent voter pour l’illustration qui colle la mieux au titre.

Si Dixit ne fait pas conter, on y pratique beaucoup l’association d’idées.  Le fait de devoir examiner ses cartes avec les titres des autres en tête permet d’exploiter toute la polysémie des illustrations et permet de sortir des cadres, des habiletés utiles aux conteurs.  Diverses extensions de 84 cartes chacune existent, toujours superbes, mais qui m’apparaissent moins intéressantes que celles de l’original.  Par exemple, Dixit Odyssey permet de jouer à plus de six joueurs, mais les parties s’allongent alors de façon indue selon moi.

msu_boiteMad Scientist University (Atlas Games):  Avec d’anciens collègues de travail, nos pauses-midis étaient passées à refaire le monde… littéralement.  Nous aimions nous amuser à imaginer de quoi aurait l’air notre repaire secret (situé sous le Mont Orford, avec des lasers!), ce que nous ferions une fois à la tête de notre lieu d’emploi, comment nous prendrions le contrôle de la ville, etc… pour rire!  Et j’ai rarement rit autant qu’avec ces fous…

Comment dominer le monde avec des écureuils et des épingles à linge?  Comment apprendre à danser au moyen de soie dentaire et de flamands roses en plastique?  C’est le genre de défis imaginaires que doivent relever les joueurs de Mad Scientist University (abrégé MSU).  Les joueurs incarnent des aspirants savants fous ayant chacun à réaliser un projet scolaire aliéné et aliénant (se rendre au centre de la terre, détruire la lune… ou nettoyer sa chambre).  Pour ce faire, ils ont à leur disposition des « éléments instables » (de l’uranium, le tango ou de la guimauve, etc.) et doivent expliquer au professeur comment ils s’y prennent (de manière purement théorique, je vous rassure!). Ce dernier choisit son projet favori et l’on passe au tour suivant, avec un nouveau professeur.

MSU est un jeu léger, sans prétention, agréable pour des soirées loufoques entre amis (les
msu_cartesanglophones parlent de beer & pretzels games).  L’univers de Gru (Détestable moi/ Moi, moche et méchant), du professeur Frankenstein et du docteur Jekyll n’est peut-être pas au goût de tous, mais les règles de la physique (ou de la nature) ne s’y appliquent qu’au besoin, comme dans les contes de fées.  Ici encore, le jeu permet de développer les associations d’idées farfelues, avec une bonne dose d’humour noir. Idéal pour se venger de cours de chimie ratés au secondaire/lycée ou de tout ce qui est politiquement correct!  À ma connaissance, il n’existe malheureusement pas de traduction française de ce jeu.

grimm_couvertureGrimm (Fantasy Flight Games): Rien à voir avec la série télé du même nom… du moins pas beaucoup.  On est ici carrément dans le domaine du jeu de rôles, que je grimm_reveusen’associe pas directement aux jeux de contage.  Je l’inclus évidemment dans ma liste à cause de la thématique.

Dans Grimm, les joueurs incarnent des enfants archétypaux (brute, rêveur, intello, sportif, populaire, « rejet », etc) qui se retrouvent coincés au royaume des contes de fées.  Mais il s’agit de contes de fées tordus et sinistres.  Par exemple, sous des airs innocents, le chaperon rouge y est une sanguinaire vampire.  Le loup, amoureux d’elle, est son noble protecteur qui tente d’éloigner d’éventuelles victimes de sa bien-aimée afin de la grimm_horizon_couvertureprotéger contre elle-même.  N’est-ce pas tragiquement beau et poétique?

Grimm ouvre l’imaginaire à la liberté artistique de jouer avec les contes.  Qu’est-ce qui
arriverait si…
les trois petits cochons devenaient paranoïaques et s’enfermaient dans des constructions de plus en plus complexes?  Et si Cendrillon devenait le bourreau de ses demi-soeurs et de sa belle-mère?  On y explore l’horreur, mais aussi l’espoir alors que l’ultime objectif des personnages-enfants est de s’échapper vers le monde « réel » d’où ils proviennent.

Storypath Cards (White Wolf?): Discontinué depuis longtemps. Il s’agit plus d’un accessoire ou même d’une catégorie d’accessoires pour jeux de rôles.  Ce type de cartes (il y a eu aussi
storypath_cards_exemple les Whimsy Cards, Archetypes Storytelling Cards, etc.) permettait essentiellement d’influer sur le scénario d’une partie.  Elles pouvaient servir au maître de jeu en panne d’inspiration ou encore de jokers que les joueurs sortaient à leur convenance pour contre-balancer le pouvoir du maître de jeu.  Les cartes ne changent pas directement le cours de l’histoire, mais viennent y ajouter un élément: une trahison, un changement météo, un succès inespéré, etc.  Je me souviens que le jeu français Chimères intégrait une mécanique similaire.  J’aime bien l’idée d’offrir au public l’occasion de venir bousculer un peu l’un de nos contes. J’en parle pour le principe, mais ça peut probablement se trouver encore sur e-bay.

Elixir (Asmodée): On s’éloigne encore davantage des jeux narratifs…
Dans Elixir, les joueurs sont elixir_cartesdes sorciers qui doivent collectionner des ingrédients pour lancer des sorts à leurs adversaires.  Ce qui me plaît bien ici, c’est que les sorts lancés prennent la forme d’épreuves réelles que doivent subir les autres joueurs (parler en chantant ou en rimant, danser, mimer, etc.)  Lorsque l’on cumule plusieurs de ces petites « malédictions », il faut conserver une concentration et une présence essentielle à tous conteurs sur scène.

j_te_gage_que_couvertureJ’te gage que… (Scorpion Masqué)/ Bluff Party (chez Cocktail Games en France):
Est-ce que vos partys sont ternes? Aimeriez-vous qu’ils soient égayés de demandes en mariage, d’individus qui grimpent sur la table pour chanter de l’opéra ou se mettent à danser le break dance au milieu d’une conversation?  À l’arrivée à une fête, chaque invité reçoit une carte comportant trois défis secrets à réaliser sans que cela ne paraisse trop… À tout moment de la soirée, un invité peut en confronter un autre en disant « J’te gage que… tu devais fermer toutes les lumières. »  Évidemment, s’il se trompe, il y a pénalité.  La conséquence est que tout le monde se met à multiplier les comportements bizarres pour confondre les uns les autres et masquer ses réels défis.  Un jeu qui requiert beaucoup de présence et de créativité, une habileté à bluffer, mais aussi un bon sens de l’observation et la capacité à discerner le vrai du faux par de subtils indices.
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La suite: Jeux en ma possession, mais jamais essayés

Jeux que j’aimerais avoir (par curiosité ou désir dévorant)

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