Du temps avec des gitans (5 en 5 / 1)

Le prétexte du « 5 en 5 »:  samedi le 29 septembre 2012, ça fera trois ans que je sévis sur ce blogue.  J’ai actuellement 95 billets à mon actif.  J’aimerais atteindre le chiffre magique de 100 billets pour le troisième anniversaire.  Je dois donc rédiger cinq billets dans les cinq prochains jours.  Ils seront forcément plus courts, plus spontanés et plus proches de ma relation quotidienne au conte, mais ça pourrait s’avérer intéressant me semble-t-il.

Samedi dernier, 23 septembre, j’ai assisté avec ma douce à un spectacle de la Compagnie Audigane à la Maison des arts de la parole (anciennement Productions Littorale).  Ils devaient nous présenter « Le mariage d’Atyek« , l’histoire d’un garçon qui devient vraiment un homme à l’occasion des trois nuits de son mariage.  Malheureusement, nous étions tout au plus une dizaine de personnes.  Il y a des récits qui requièrent une certaine énergie pour être dits.  À la place, nous avons eu droit à un florilège d’histoires tirées de différents spectacles, souvent des contes traditionnels « tsiganisés » fort habilement.  Et nous n’avons pas été déçu.  Quelle énergie d’Armelle la conteuse!  Quelle écoute pour Peppo, son mari musicien qui l’accompagne!  Quelle complicité ces deux-là !  Nous avons tellement aimé que nous y sommes retourné le lendemain avec nos enfants pour le spectacle « pour petites oreilles ».  Encore là, trop peu de public…  mais un très chouette spectacle pour les enfants.

Comme la plupart des nord-américains je crois, j’ai des idées très romantiques sur qui sont les Roms. Dans mon cas, ces idées ont été contaminées par Donjons et dragons, ainsi que d’autres jeux de rôles.  D’en rencontrer et d’échanger avec des « vrais » gitans m’a pour le moins troublé.  S’ils sont fiers de leur culture, ils ne jouent pas moins avec les stéréotypes folkloriques que l’on a d’eux…  Et je me suis pris à penser que c’était un peu la même chose pour les québécois qui vont s’exporter en France et ailleurs.

J’écris « nous n’avons pas été déçus »… et ce n’est pas tout à fait exact.  Déception de ne pas entendre « Atyek », ce spectacle qui semble magnifique.  Déception devant de si petites assistances.  Toutes ces personnes qui n’ont pu accueillir ces artistes généreux, qui n’ont pu profiter de cette générosité.  Armelle a commencé son spectacle par des mercis, notamment merci aux membres du public qui s’étaient déplacés, qui avaient choisi de ne pas téléphoner à des amis, de ne pas rester dans le confort de leurs domiciles.  Je n’en veux pas aux absents, mais je m’interroge d’autant sur la fragilité de notre art.  Un groupe intime de spectateurs peut créer une ambiance très chaleureuse, mais peut aussi décourager qui a envie de sentir un public plus nombreux vibrer à l’unisson…

Et je me suis tout de même demandé, comment eux, gens du voyage, nous percevaient nous sédentaires… dont si peu s’étaient déplacés jusqu’à une salle de spectacle locale pour les entendre eux, qui avaient traversé l’Atlantique.  C’est bien sûr le lot de tout artiste que de monter en scène, d’offrir son matériel et de ne pas savoir si le public répondra et sera au rendez-vous.  Cette incertitude m’apparaît d’autant plus importante pour les conteuses et conteurs qui n’ont pas toujours de produits dérivés, dont l’art suppose une relation en personne, qui exercent un art encore méconnu, qui sont souvent peu connus eux-mêmes par le public…

4 réflexions sur « Du temps avec des gitans (5 en 5 / 1) »

  1. Coucou
    quelques commentaires en vrac mais néanmoins dans l’ordre chronologique de ton billet…
    1- Félicitations !
    2- « Bonneu-fèèèèteu, bonneu-fèèèteu, boneufèèèèèteuuuu leuuu bloooog… »

    3- à propos des roms et des tes idées « très romantiques »: je peux te garantir que leur vie ici en Europe, et notamment en France, n’a pas grand-chose de romantique. Notre précédent gouvernement s’est tellement acharné à les traiter comme de la (censure-expresse) et à dresser l’opinion publique contre eux, que le gouvernement actuel va avoir fort à faire pour leur redonner les droits qui devraient être ceux de tout humain quel qu’il soit.
    Tu dis encore:
    « S’ils sont fiers de leur culture, ils ne jouent pas moins avec les stéréotypes folkloriques que l’on a d’eux… Et je me suis pris à penser que c’était un peu la même chose pour les québécois qui vont s’exporter en France et ailleurs. »
    Très juste. Moi, cela m’a fait penser aux amérindiens, dont j’avais aussi une vision très romantique en tant qu’européenne. On rêve toujours sur les choses lointaines et plus ou moins inaccessibles, pas vrai ?
    Un jour, ici à Callac en Bretagne centrale, après un film + conférence avec un cinéaste amérindien ainsi que Bob Bourdon et sa compagne Johanne, une jeune spectatrice pleine d’émotion et d’empathie questionne: « Que peut-on faire pour vous aider ? » (le film portait sur l’arrivée des européens au Québec, vue par les amérindiens… et sur tout ce qui s’ensuivit).
    Réponse immédiate et à deux (presque trois) voix, Johanne et Bob en tête: « Restez chez vous ! » Exclamations et fous-rires du public amusé. Explications: « Oui, restez chez vous, allez écouter vos anciens, apprenez leurs traditions et leurs savoirs, épaulez vos malheureux et épongez vos propres malheurs avant de vous occuper de ceux des autres… »
    En d’autres termes, choyons notre propre romantisme. Non ? On peut voir ça sous beaucoup de formes différentes…

    4- à propos d’un public très fourni ou très restreint: je ne résiste pas à te livrer une histoire écrite par un mien ami* (en la résumant).
    Un vieux conteur aveugle allait de village en village, guidé par un jeune homme. Un jour de grande chaleur, celui-ci, fatigué, prétendit voir arriver au-devant d’eux les gens du village suivant. Le vieux conteur, ravi, lui demanda de l’aider à s’asseoir sous un arbre afin d’accueillir au mieux son public. Ayant installé son vieux compagnon, le jeune coquin s’en fut sommeiller sous un buisson, le laissant face à ses prétendus spectateurs… Les herbes, les cailloux et le vent, peut-être aussi quelques oiseaux. Et le vieux conteur se mit à conter, durant des heures. Et quand il eut fini, le vent, les herbes, les cailloux et les oiseaux poussèrent à l’unisson un grand soupir: « Merci… ». Le jeune filou se réveillant revint près du vieux maître qui à son tour le remercia de lui avoir signalé l’arrivée de ces gens, car, dit-il, il n’avait jamais eu un public aussi attentif…

    bises
    Alice

    *Vassili Ollivro

  2. Jean-Sébastien, j’admire vraiment le talent et la fluiditié avec lesquels tu manie la plume ! Merci de nous partager si simplement ce que tu ressens. J’y étais, moi aussi à ce spectacle et j’ai adoré me plonger dans leur univers. Et oui, qu’ils sont beaux ces deux amoureux-là ! Christine P.

  3. Je n’avais pas encore répondu Alice, mais j’ai été d’autant plus touché par tes commentaires que je raconte à peu de choses près la même histoire que Vassili. Elle termine la première partie de « Chevaucher les seuils »… Ça m’a fait réfléchir, disons.

Laisser un commentaire