Tenir conte

Des jeux pour jouer à conter (1/3)

J’aime les contes et j’aime les jeux de société.  Par conséquent, j’ai un intérêt certain pour les jeux où l’on conte. À l’approche de Noël [NDLR: j’ai le droit d’en parler parce que nous sommes en décembre.  Avant, je m’y refuse.], il est toujours intéressant de recevoir quelques idées cadeaux, pour les autres ou pour bonifier sa propre liste.  Charité bien ordonnée…

Je me propose donc de passer en revue divers jeux de contage (jeux de rôles, de création collective, etc.) que j’ai essayé, que j’aimerais essayé sans en avoir eu l’occasion ou que j’aimerais avoir.  Autrement dit, je vous ouvre ma ludothèque présente et… future.

Je crois sincèrement que, si les thèmes abordés par les contes peuvent être graves, si le travail des artistes doit être professionnel, l’activité « conte » doit rester ludique et accessible au plus grand nombre.  Bien sûr, on peut toujours jouer à se raconter des histoires sans support aucun ou seulement avec des cailloux, mais un cadre simple, clair, pas trop contraignant et agréable à regarder peut justement contribuer à intéresser un plus large public à notre art.  Du reste, la plupart de ces jeux peuvent servir aux conteurs pour initier de nouvelles histoires, pour développer sa capacité d’improvisation ou simplement pour garder la main.  Plusieurs de ces jeux peuvent aussi servir de supports visuels à nos histoires (voir à ce sujet l’excellent site de Apple-paille).

Jeux de conte

Contes à la carte (Thierry Magnier): J’avais acheté ce jeu au début des années 1990.  Je suis heureux de voir qu’il a été réédité en 2011.  De superbes illustrations de Jean-François Barbier, 50 cartes sans texte, évocatrices tout en demeurant faciles à décoder (sauf peut-être pour une ou deux cartes), notamment par de jeunes enfants.  Les cartes sont grandes, mais faciles à tenir par de petites mains.  Les personnages principaux (fée, sorcière, loup, etc.), les lieux (caverne, château, forêt, etc.) et les objets magiques majeurs des contes de fées (miroir, tapis, etc.) y sont tous représentés, pas de souci. Pas vraiment de règles détaillées, mais ici c’est plutôt synonyme d’une grande liberté:

« Chaque joueur conteur pioche 3 personnages, 2 objets et 1 lieu qu’il étale devant lui à la vue de tous. Le conte peut commencer.À tour de rôle chacun utilise l’une de ses cartes (ou une de celles déjà utilisées par un autre joueur conteur) pour construire et étoffer l’histoire et repioche des cartes quand il n’en a plus. Le conte se termine lorsque toutes les cartes ont été utilisées.
« 

Le parti pris des illustrations noir et blanc fonctionne tout à fait.  Toutefois, je viens de découvrir qu’une version en couleurs a été produite. J’ai bien envie de l’acheter, toujours dans le but d’attirer les plus jeunes.

Rory’s Story Cubes (Creative Hub): Compact, aux symboles (clé, oeil, maison, etc.) assez abstraits pour être interprétés de différentes façons, cet ensemble de neuf dés fut un succès instantané auprès de mes enfants.  Il reste que certains des 54 symboles gagneraient à être expliqués ou plus clairs, parce qu’on ne sait pas toujours quoi faire avec… (Un « L » encadré, ça veut dire quoi?  Un « H » pour hôpital, à la rigueur, j’aurais compris…) La boîte peut être utilisée pour brasser les dés en déplacement, mais ils se retrouveront souvent au fond de la voiture.  Pas vraiment de règle ici non plus.  Des extensions existent avec des dés d’actions, de lieux et de personnages exotiques, préhistoriques, médiévaux, etc. Une seule me semble vraiment intéressante, c’est celle où les dés sont plus grands!

Il était une fois… (Play Factory):  Je suis un fan du travail de deux des créateurs britanniques de ce jeu: James Wallis et Andrew Rilstone, ainsi que d’Atlas Games, la compagnie qui édite le jeu Once upon a time dans le monde anglo-saxon. J’ai l’édition de 1995 avec des illustrations majestueuses de Florence Magnin, mais des cartes beaucoup trop petites (112 cartes « Il était une fois », 56 cartes « Dénouement »).

Je comprends que dans la plus récente édition francophone (la troisième, 2006), il y  a maintenant des illustrations de Stéphane Poinsot et des cartes plus grandes (format tarot, dit-on).  Il reste qu’il y a un problème majeur d’ergonomie avec ces cartes dont les noms sont écrits dans le bas (pas pratique quand on en tient plusieurs en main), alors que la catégorie (objet, personnage, etc.) est précisée dans le haut (ça, généralement, ça se devinerait…).  

Il était une fois… reste un des rares jeux de conte qui a tenté de créer des règles structurées, faciles à appliquer pour « écrire » un conte en groupe.  On a réglé la difficulté à clore le conte collectif et à lui donner une direction par l’objectif pour chaque joueur de déposer sa carte « Dénouement ».


Everway (Gaslight Press?): Ce jeu de rôles du brillant concepteur Jonathan Tweet mériterait
d’être en tête de liste s’il n’était pas discontinué et de plus en plus difficile à trouver.  Le maître de jeu est tout-puissant dans Everway. Les rôlistes amateurs de règles détaillées n’y trouveront pas leur compte, mais les joueurs davantage préoccupés de narrativité devraient tenter de mettre la main sur une copie usagée.

Si l’aléatoire des dés est ici remplacé par 36 cartes de tarot à interpréter (les jeux diceless font grincer des dents plusieurs rôlistes), ce n’est pas ce qui m’a séduit dans Everway.  Non, c’est la création de personnage qui m’a accrochée: d’une simplicité désarmante, elle permet littéralement de concevoir le héros de ses rêves, ce qui n’est pas le cas de plusieurs jeux.  Pour chaque pouvoir dont on souhaite doter son personnage, il faudra décidé s’il est d’utilisation majeure (grand impact sur l’histoire), fréquente ou polyvalente.  Un pouvoir ayant ces trois caractéristiques (se métamorphoser à volonté, par exemple) sera très coûteux, tandis qu’un pouvoir secondaire (changer la couleur de ses vêtements une fois par jour) est plus facile à obtenir. Très peu développés, les personnages seront relativement stéréotypés et « plats » psychologiquement, ce qui convient bien à des scénarios de contes.

L’autre grande force de ce jeu, c’est l’utilisation de « cartes de vision« .  Rien de bien ésotérique là-dedans, simplement des images médiévales-fantastiques avec quelques questions à l’endos qui stimulent l’imagination (ex: Quel est le plus cher désir de la femme dans le bas de l’illustration?  Qui regarde cette scène?  De qui ces gens ont-ils peur? etc.)  On comprendra aisément qu’avec un peu de pratique toute image peut devenir un tremplin pour l’imaginaire et une source d’inspiration pour de nouvelles histoires.  Pour moi, Everway est une fantastique initiation aux jeux de rôles.  C’est ce que je prévois utiliser pour contaminer mes propres enfants.

 

Loups-garous de Thiercellieux (édité par… Lui-même): Pour moi, Loups-garous n’est pas directement un jeu de contage ou du moins pas seulement.  Il requiert beaucoup de stratégie, de bluff, d’habileté à convaincre.  Il aurait donc pu figuré dans la prochaine section. Il reste que les parties dirigées par un meneur habile en contage d’histoires de peur (et arbitrant avec une mauvaise foi de circonstance) peuvent rendre le jeu littéralement captivant.  Il me semble que c’est aussi l’un des jeux où le plaisir d’être ensemble se rapproche le plus de celui d’une soirée de contage, la détente en moins…  C’est donc une forme d’initiation à l’écoute de contes qu’il me fait plaisir de plébisciter.

Invente-moi une histoire (Gladius): Un produit québécois et ergonomique (les 108 pastilles sont larges, variées et bien conçues), ce qui aurait dû lui donner une place de choix dans ce palmarès.  L’idée des pastilles (cartes rondes) est judicieuse: si elles sont plus difficiles à tenir, elles se déposent sur l’espace de jeu en différentes configurations non-linéaires, ce qui ouvre diverses possibilités narratives.

Malheureusement, de mon point de vue le graphisme des dessins est laid.  Je n’ai pas d’autre mot pour en parler. Pour moi, un jeu doit être beau pour nous donner envie d’y revenir.  Mes enfants ne semblent pas trop s’en formaliser, mais chaque fois que je m’assois pour jouer avec eux, j’enrage que l’éditeur n’ait pas mis les moyens de leur offrir des illustrations de qualité.  D’ailleurs notre copie est de moins en moins utilisée…  Ajoutons le mercantilisme de la compagnie Gladius qui l’a amené à créer dans le passé des déclinaisons « Dora » (bonjour l’imaginaire colonisé!), « Caillou » (pour tout-petits; le Caillou Cookie Jar « commercial », pas celui plus attachant d’Hélène Desputeaux), et Adultes (XXX?) du jeu.  Tout ça me rend très ambivalent face à un produit qui aurait normalement tout pour me plaire.

Jeux perpendiculaires (pas directement pour conter, quoique…)

Jeux en ma possession, mais jamais essayés
Jeux que j’aimerais avoir (par curiosité ou désir dévorant)

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