Les leçons d’un cas de Figures (de proue)

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Crédit photo: Maïa Pons

La 24e édition du Festival Les jours sont contés en Estrie vient de se terminer…  Mais elle avait commencé sur des chapeaux de roue!  Le spectacle d’ouverture du 13 octobre 2016 s’appelait Figures de proue. Il y avait assez longtemps qu’un spectacle de contes ne m’avait pas enthousiasmé à ce point. Continuer la lecture de « Les leçons d’un cas de Figures (de proue) »

Grande Virée 2014 : La récolte de mes semailles

Une partie de moi voudrait crier : « Y’avait pas de but, c’était une expérience à vivre… Il fallait que je le fasse.  C’est tout!  Ça ne se comptabilise pas. »  Et ça ne serait pas faux.  Mais peut-être parce que je suis plutôt rationnel et parce que c’était un projet fou, peut-être parce que j’ai passé l’été à dépenser temps et argent pour me préparer, parce que je me suis éloigné de ma famille et de mon travail pendant une douzaine de jours… Toujours est-il que j’éprouve le besoin d’élaborer sur ce que cette aventure m’a apporté.  Continuer la lecture de « Grande Virée 2014 : La récolte de mes semailles »

Un conteur relit _Comme un roman_ de Pennac

comme_un_romanJe l’avais déjà lu dans les années 1990, un peu pour faire comme tout le monde.  C’était alors la mode et je suivais des cours de littérature…  Mais ma douce a eu la bonne idée de me l’offrir pour Noël (après que j’eue laissé traîner un feuillet publicitaire où je l’avais entouré – on a la subtilité qu’on peut…).  Ça se dévore: trois petites heures et ça y était.  Mais j’ai surtout réalisé cette fois-ci à quel point Pennac parlait aux conteurs…  Pas qu’aux professionnels, s’entend, plutôt aux conteurs en chacun de nous.  Mais, de là, il devient facile d’extrapoler.  En fait, Pennac parle de comment naît l’amour des livres chez les jeunes lecteurs.

Son propos général est de faire aimer les livres, soit.  Sauf que l’amour des livres dont il parle passe par l’amour des récits.  J’y vois l’occasion idéale de se mettre dans la peau de notre public. Qu’est-ce qui nous touche, nous conteurs, lorsque nous sommes, à notre tour, auditeurs? …Et de nous mettre à chercher comment toucher ce public pour le voir se multiplier.  Nous avons clairement un rôle à jouer dans la transmission de cet amour des histoires… Continuer la lecture de « Un conteur relit _Comme un roman_ de Pennac »

Est-ce que les conteurs transgenres racontent des histoires trans… génériques?

[Dans le cadre du Festival Les jours sont contés en Estrie, j’ai produit un texte en réaction au spectacle d’Ivan Coyote, présenté le 18 octobre 2013, dans le lobby du Théâtre Centennial à l’Université Bishop.  L’original, en anglais, peut être consulté ici.]

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Ivan Coyote

Allez, vous ne vous êtes jamais posé la question? Pas même un peu? Moi oui.

Puisque la façon de conter est tellement liée à l’identité particulière du conteur, comment racontera quelqu’un qui a dû lutter, redéfinir et affirmer cette identité? Quel genre d’histoires seront contées? Comment seront-elles incarnées pour être transmises? Des contes d’amour? De guerre? D’horreur? D’humour? Tous ces genres réunis dans un style unique qui traverse et transgresse toute catégorisation?

En français, les mots pour dire genre (sexe biologique) et genre (classification typologique des oeuvres) sont les mêmes. Pas en anglais. Et bien que je n’aie jamais eu l’intention de réduire le contage d’Ivan Coyote à cette seule dimension de tout ce qu’elle est comme personne, j’étais curieux… et crétin. Continuer la lecture de « Est-ce que les conteurs transgenres racontent des histoires trans… génériques? »

Un conteur nu parmi les fringues

[Dans le cadre du Festival Les jours sont contés en Estrie, on a voulu souligner les dix ans du Cercle des conteurs des Cantons de l’est. En tant que membre fondateur du Cercle, je n’ai pas pu résister à l’envie de partager ce souvenir qui m’est cher…]

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Photo: Nicolas Grandmangin

Avant L’arbre à palabres, avant La brûlerie de café, il y avait Chez Yip! Trucs et fringues.  Pour leurs soirées micros libres, les conteurs du Cercle se réunissaient une fois par mois dans une petite friperie de la rue Frontenac. Tibi, le propriétaire, nous accueillait dans sa boutique digne des Mille et une nuits en tassant les supports à vêtements. Le (rare) public s’assoyait sur des chaises dépareillées, un vieux fauteuil, des coussins ou simplement sur le tapis persan.

 

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L’intérieur du Yip (en 2004)

Lors d’un stage en 2003, le conteur Guth Des Prèz, nous avait parlé du « conteur nu ». C’était la façon de Guth de nous décrire ces conteurs d’autrefois, sans entraînement scénique, qui vous captivaient avec la seule force de leurs récits.  Par un torride soir de juillet 2004, nous en avons rencontré un.

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Croix de fer, crois de bois (Faut-il croire aux contes? 3/3)

modern-crossJe pense que, pour moi, la question a commencé à se poser il y a quelques années.  Comme j’expliquais à ma mère, très croyante, que le conte était pour moi devenu une forme de spiritualité.  Elle m’avait dit: « …Mais ce n’est que de la fiction. »  Sur le coup, je n’ai pas su quoi répondre.  Mais lorsque j’ai rapporté ces propos à ma fée-marraine, son regard s’est durci et elle a simplement dit: « Tu sais, les centres d’achat, la consommation, le mode de vie nord-américain… c’est aussi de la fiction. » Continuer la lecture de « Croix de fer, crois de bois (Faut-il croire aux contes? 3/3) »

Chasser le dragon (Faut-il croire aux contes? 2/3)

Ces discussions sur les croyances me ramènent assez souvent à un texte découvert dans le cadre d’un cours d’anthropologie, suivi pendant mes études de maîtrise.  Il s’agit de l’essai « Les  savoir_anthropologuescroyances apparemment irrationnelles » de Dan Sperber, dans Le savoir des anthropologues (Hermann, Paris, 1982) qui m’avait fait grande impression.  Le point de départ de ce texte aurait de quoi séduire Dany Plouffe (et la plupart des conteurs…).  Il y est question du vieux Filaté, un informateur éthiopien qui va voir Sperber un matin afin de lui demander, le plus sérieusement du monde, de tuer un dragon. Continuer la lecture de « Chasser le dragon (Faut-il croire aux contes? 2/3) »

– J’te cré pas! – Ben, j’te l’dis! (Faut-il croire aux contes? 1/3)

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Dany avec son dragon en boîte

Le jeudi 28 février dernier, je suis allé entendre une conférence du physicien Dany Plouffe, diplômé de l’Université de Sherbrooke, travaillant maintenant à McGill, prix Sceptique 2011 (attribué par l’Association des sceptiques du Québec).  La communication s’intitulait « Science, superstition et dragon magique« .  Je connaissais Dany déjà depuis le temps où il organisait des débats étudiants, mais c’est le descriptif de l’activité qui m’y avait attiré:

« Si quelqu’un vous abordait un beau matin, en vous disant qu’il possède un dragon magique, que seul lui peut voir, y croiriez-vous ? Probablement pas. Mais si ce même individu vous disait plutôt qu’il peut contacter des fantômes, ou voir votre aura, y croiriez-vous ? Possiblement. Cependant, est-ce que croire en un dragon magique est vraiment différent de croire aux fantômes et aux auras ? L’humain semble avoir une tendance naturelle à adopter toutes sortes de croyances. Comment fait-on pour discerner le réel des superstitions ? Continuer la lecture de « – J’te cré pas! – Ben, j’te l’dis! (Faut-il croire aux contes? 1/3) »

Les mocassins trop grands de la Cendrillon mi’kmaq

En cadeau pour ses bénévoles du Festival, la Maison des arts de la parole nous a offert le 22 novembre dernier un conteur: Bob Bourdon / Robert Seven-Crows.  À travers les chants et autres contes, de sa belle voix il a raconté Oochigeas, la légende de la « petite brûlée » ou la Cendrillon amérindienne, amoureuse du chasseur invisible [dont Roch Voisine a apparemment fait une chanson… où il ne reste pas grand chose de la beauté du conte].

Croyez-le ou non, je ne l’avais jamais entendue auparavant (il paraît que Stéphanie Bénéteau la raconte pourtant depuis plusieurs années).  J’avoue avoir adoré la version de Bob…  au point d’avoir envie de la raconter à mon tour.  Moi qui n’aime pas beaucoup Cendrillon, la robe en écorce de bouleau et les mocassins trop grands m’ont fait craquer pour Oochigeas.  La bandoulière en arc-en-ciel du chasseur Invisible et son arc fait de la voie lactée m’ont fait rêver… Continuer la lecture de « Les mocassins trop grands de la Cendrillon mi’kmaq »

Écouter la vieille dame sage au fond des bois – Atelier avec Michèle Rousseau

Je viens d’avoir la chance de passer deux journées – les samedi 19 et dimanche 27 mars 2011 – avec une doyenne parmi les conteuses au Québec, madame Michèle Rousseau. À l’initiative des Productions Littorale, grâce au Conseil de la culture de l’Estrie et en compagnie d’autres conteurs du Cercle des Cantons de l’est, j’ai reçu un cadeau.  Portrait impressionniste et impressions impressionnées.

Michèle est une fée, une « femme-sage », une adolescente de « 80 ans cet été ».  Des bras interminables qui s’ouvrent au monde comme des rayons de soleil et, quand on croit qu’ils s’arrêtent enfin, des doigts si longs qui s’étirent à leur tour ; des rayons au cœur des rayons.  Et combien elle rayonne…  Tout un charisme et un tel amour des gens qu’on se sent submergé en sa présence.  D’autant plus qu’elle était visiblement ravie d’être là, alors que trop peu de jeunes conteurs vont la trouver au fond de sa campagne pour solliciter sa sagesse.  Lorsqu’elle incarne une vieille guérisseuse qui aide l’héroïne au cœur d’une de ses histoires, on n’a pas de mal à se laisser prendre au jeu.  Cette rencontre revêtait donc un caractère extrêmement précieux pour moi et, sans doute, pour les autres. Continuer la lecture de « Écouter la vieille dame sage au fond des bois – Atelier avec Michèle Rousseau »